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mettre à une mauvaise année l’excédant d’une bonne récolte. L’effet de ce funeste système fut de faire baisser le prix des grains. Le froment, qui s'était vendu communément de quinze à seize livres le setier, tomba, dans les années qui ne furent pas marquées par la disette, à dix, neuf, huit et sept livres. Le cultivateur, privé du fruit de ses peines par cette baisse inattendue, se livra avec moins de zèle à ses travaux. Dans plusieurs provinces toutefois la dépréciation des céréales dirigea les spéculations vers l’éducation des bestiaux, branche de l’industrie agricole trop souvent négligée en France, et que la misère du temps avait fait abandonner. Le ministre favorisa cette direction en procurant aux communes la rentrée dans les biens dont on les avait dépouillées. Les bestiaux, garantis encore de l’atteinte des agents du fisc par le privilège accordé au cheptel, se multiplièrent promptement, et la France se trouva affranchie de la dépendance où elle avait été à cet égard vis-à-vis de l’étranger. Des négociants anglais s’étant adressés à l’ambassadeur à Londres pour fournir des bestiaux d’Irlande au royaume, et des salaisons à ses colonies, Colbert eut la satisfaction de répondre que depuis plusieurs années la France pouvait en vendre aux étrangers[1]. Cette production, cependant ne pouvait balancer le préjudice que la législation sur les grains portait à l’agriculture. Colbert, instruit de son dépérissement, et de l’état de malaise qui en fut la suite, resta soumis au préjugé qui faisait envisager le libre commerce des grains comme un dan-

  1. Edit d’avril 1667, et Arrêt du conseil du 14 mai 1678. - Forbonnais, 1663. - Siècle. de Louis XIV.