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terre payait à l’Église, l’exigence des seigneurs ajouta les champarts, autre impôt en nature qui n’était pas toujours la rente due au propriétaire du fonds; la taille à volonté, le fouage ou imposition par feu. Elle soumit les familles aux confiscations de la mainmorte, appliqua à la mutation des propriétés les droits de lods et ventes, de quint et de requint, de relief ou de rachat. L'obligation qui fut imposée aux habitants des domaines de porter leur vendange au pressoir, de cuir au four et de moudre au moulin du seigneur, donna naissance aux taxes et aux gênes de la banalité; elle s’étendit aux boucheries, au taureau et à d’autres animaux. Mais, de toutes ces banalités, la plus profitable pour la féodalité et la plus funeste à la population fut celle des moulins : leur établissement sur les cours d'eaux remplaça, dans le VIIIe siècle, la machine à bras dont se servaient les particuliers. Par la multiplicité de ces usines, la navigation devint impraticable sur la plupart rivières, ou, si un pertuis avait été aménagé dans le barrage construit pour élever les eaux, les bateliers n’en obtenaient le passage qu’en acquittant un péage arbitraire. A ces exigences se joignaient de toutes parts des devoirs et des prestations onéreux ou humiliants, qui, en écrasant la population des campagnes, eurent encore pour effet de ruiner l’agriculture et le commerce, d’anéantir l’industrie, d’interrompre les communications, et de plonger le royaume dans les ténèbres de l’ignorance.

Les feudataires usurpèrent encore le droit de battre monnaie, dont jouirent aussi des églises, des évêques et des monastères. Ce droit cependant n’était pas simplement honorifique : sous le nom. de seigneuriage, les