Page:Bainville – Au seuil du siècle.djvu/221

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aucune notion des possibilités du réel, mon père croyait que ses conceptions politiques étaient des vérités absolues. Aussi sentimental et aussi romanesque que ma grand’mère, il nourrissait pour la vie publique des illusions semblables à celles qu’elle nourrissait pour la vie individuelle.

« Cependant quelques-unes de ces conceptions m’apparurent peu à peu à moi enfant comme sublimes.

« Mon père mêlait la nature à tout ce qu’il me prêchait, car il me prêchait ! La doctrine du Christ, qui avait donné au monde les formules de liberté, d’égalité et de fraternité, se mêlait en son esprit à un paganisme exubérant, poétique, et cet amalgame fournissait à ses discours de pompeux arguments sur la charité, sur les lois du sacrifice social, sur la divinisation de l’héroïsme humain. Mon imagination de fillette, initiée déjà aux recherches de ce que ma grand’mère appelait les