au lendemain du coup d’État. C’est un petit poème grave, fort et douloureux qui fait honte aux désarticulations, aux acrobaties et aux pitreries dont les Châtiments sont encombrés :
Les peuples vieillis ont besoin d’un maître ;
Ce n’est plus en eux qu’ils cherchent la loi.
Dans un autre siècle il m’eût fallu naître :
Il n’est point ici de place pour moi.
L’idéal qu’avait rêvé ma jeunesse,
L’étoile où montaient mes espoirs perdus,
Ce n’était pas l’art, l’amour, la richesse,
C’était la justice ; et je n’y crois plus.
Mais je suis bien las de ces tyrannies
Qu’adore en tremblant le monde à genoux :
Peuples énervés, races accroupies,
Nous léchons les pieds qui marchent sur nous.
Le présent est plein d’odieuses choses,
L’avenir est morne et désespéré :
Si l’on peut choisir ses métempsycoses,
Ce n’est pas ici que je renaîtrai.
Quand la mort, brisant la dernière fibre,
Au limon natal viendra m’arracher,
S’il est quelque part un astre encor libre,
Là-haut, dans l’éther, je l’irai chercher.