Page:Bainville - Bismarck.djvu/119

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tant détesté. C’est pourquoi il ne nous paraît pas possible d’examiner comme du haut d’une chaire les souvenirs de M. de Gontaut[1] : ils sont d’un intérêt trop vital et trop puissant.

La mission du premier ambassadeur que nous ayons eu à Berlin après le traité de Francfort compta autant pour l’Allemagne que pour nous. On se rappelle le soupir de soulagement que poussa Bismarck lorsque la République se priva des services de cet excellent Français : « Le rappel de Gontaut-Biron m’a causé une satisfaction extraordinaire » ne manqua-t-il pas de faire savoir à Gambetta. Et, en effet, ayant accepté la plus ingrate et la plus pénible des ambassades par dévouement au bien public, M. de Gontaut-Biron avait, à tous les points de vue, dignement et utilement représenté la France à Berlin. Grâce à lui, l’évacuation du territoire par les troupes allemandes s’était faite plus rapidement. Grâce à lui et à la manière dont il sut se faire entendre à la cour de Prusse, le parti militaire, qui représentait comme « armements » et préparations à la revanche toute reconstitution de nos armées, de nos arsenaux, de nos finances même, fut tenu en

  1. Ces souvenirs s’arrêtent malheureusement à l’année 1873. M. de Gontaut-Biron est mort sans avoir poussé plus loin la rédaction de ses notes. M. Émile Bourgeois a rendu cet hommage à son exactitude et à sa véracité dans un article de polémique où il essayait de mettre le duc de Broglie en contradiction avec M. de Gontaut : « J’ai, eu l’occasion, par exemple pour l’entrevue des trois empereurs, de comparer ces notes (celles de M. de Gontaut) aux récits contenus dans les dépêches qu’il adressait au quai d’Orsay. L’analogie est si frappante qu’elle inspire, confiance. » (Revue historique, novembre-décembre 1906. À propos de cet article, voir l’appendice II.)