Page:Bainville - Bismarck.djvu/159

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Quelle absence de ressort patriotique ces faits dénotent ! La froideur avec laquelle les États de la Marche accueillent les ouvertures de Marwitz est un trait caractéristique. La noblesse opprime et exploite le paysan ; elle n’est point un centre d’action et de vie locale ; perdue par l’étroitesse de caste et, en dernier lieu, par l’esprit de jouissance grossière, elle est fermée aux idées d’un patriotisme viril… Quant au tiers-état, les tendances individualiste et idéalistes, sympathiques encore en quelque mesure à la Révolution, à son, œuvre, à la France, dominent l’Allemagne. Elles ne préparent point le milieu éclairé à une action énergique.

Ainsi, ce qui fut battu à Iéna, c’est un pouvoir royal affaibli, une aristocratie séparatiste, un tiers-état libéral. Les idées de la Révolution, comme le disait fort bien Godefroy Cavaignac, « ne préparent point à une action énergique », Les hommes qui après Iéna, entreprirent le relèvement de la Prusse réagirent en effet contre ces idées. Ce n’est pas sur les Droits de l’Homme, mais sur l’institution monarchique qu’ils songèrent à s’appuyer. Tout le mouvement politique et intellectuel qui suivit Iéna, finit par entraîner l’Allemagne entière, et aboutit à la formation de l’Empire, ne fut certes pas réactionnaire. La réaction, c’était la féodalité ennemie de l’unité nationale. Mais ce mouvement ne, participa pas davantage de la Révolution ni de ses idées. Il réussit parce qu’il avait l’intérêt national pour guide et une dynastie pour instrument.

Voilà non pas la seule, mais la plus forte leçon d’Iéna, ou plutôt la grande leçon de toute l’histoire de Prusse. Mais il faudrait un livre pour la développer.