Page:Bainville - Bismarck.djvu/202

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traditions de sa race. Napoléon Ier avait prévu les changements qui s’opèrent aujourd’hui sur le continent européen. Il avait déposé le germe des nationalités nouvelles dans la péninsule en créant le royaume d’Italie ; en Allemagne, en faisant disparaître deux cent cinquante-trois États indépendants.

Ainsi le « droit des peuples », dont la conception hantait déjà le prétendant de Strasbourg et de Boulogne, après avoir été la grande pensée de son règne, survivait à toutes les catastrophes. Le testament de Wilhelmshœhe répète le testament de Sainte-Hélène. Les deux Napoléons, dans l’exil et dans la défaite, cherchaient leur excuse et leur gloire dans leur fidélité aux principes révolutionnaires. L’oncle et le neveu, Napoléon le grand et Napoléon le petit, après avoir laissé la France meurtrie, envahie, diminuée, vantaient pourtant leur œuvre qui n’avait consisté qu’à « ennoblir les peuples, à dessouiller la Révolution et à raffermir les rois », — les rois des puissances rivales. Programme qui s’est malheureusement réalisé à la lettre ! C’est ainsi que se révèle, des origines jusqu’à la chute, des coups d’État jusqu’à l’abdication, l’unité de caractère des plus mauvais chefs qu’ait jamais eus la France. Le système napoléonien souffre toutes les appellations. On peut le nommer libéral, révolutionnaire, cosmospolite, humanitaire idéaliste. L’Europe, — la vraie Europe, celle de l’équilibre et de l’ordre, — proteste qu’il n’a jamais été européen. Ses principes et ses conséquences funestes montrent assez qu’il n’eut rien de français.