Page:Bainville - Bismarck.djvu/233

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taire, il avait bien remarqué à Stuttgart, et noté dans son journal intime, l’attitude compassée et gênée du roi et de la reine. C’est peut-être en effet le roi de Wurtemberg qui souffrit le plus de la capitis deminutio que lui infligeait l’unité[1]. Louis de Bavière lui-même, si peu empressé qu’il se montrât, avait plus de résignation. Surtout, il manquait trop de volonté pour entreprendre d’échapper à l’enveloppement prussien. Sa tactique — ou plutôt celle de ses ministres — consista seulement à ne pas se laisser complètement « avaler » et à sauver le plus possible des apparences de la souveraineté. Mais jamais Louis II n’eût osé ce que fit seul le roi de Wurtemberg.

Le 11 novembre, les deux délégués wurtembergeois, Suckow et Mittnacht, recevaient à Versailles une dépêche du roi les rappelant à Stuttgart et leur faisant défense de poursuivre aucune négociation avant d’avoir reçu des instructions formelles et personnelles. « En apprenant cette nouvelle, dit l’historien, Bismarck affecta de rester serein, mais son inquiétude était grande. Ce coup porté contre

  1. M. de Gontaut-Biron raconte cette anecdote sur la réception du roi et de la reine de Wurtemberg à Berlin en 1872 : « C’était la première fois depuis la proclamation de l’Empire, qui avait converti en simples vassaux les souverains des États secondaires de l’Allemagne, que le roi et la reine de Wurtemberg venaient à Berlin. La reine Olga, sœur de l’empereur de Russie, ressentait plus profondément que son mari l’humiliation de sa nouvelle position. Droite sur son siège, parlant peu, sérieuse, des larmes silencieuses coulèrent par deux fois pendant le concert sur son noble et beau visage que les souffrances morales et physiques avaient creusé avant l’âge. Russell fut le seul probablement à les voir, et c’est lui qui me l’a conté. » (Mon ambassade en Allemagne, p. 35.)