Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/100

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Le fanatisme, la plus plate routine, la sujétion à des formules apprises sont le lot, au contraire, de ces orateurs brillants, de cette foule acharnée à préparer son propre malheur.

1792 marque essentiellement un recul de cinquante années. On revient d’enthousiasme à la première guerre de Sept ans. Dumouriez recommence Belle-Isle et reproduit le geste héréditaire contre la Maison d’Autriche. Ce sont les Bourbons qui ne comprennent plus rien à la politique depuis 1756 : vous allez voir ce que la Révolution va faire. Et si le roi s’obstine à respecter le traité de Versailles, l’alliance « hors nature » avec les Habsbourg, sa trahison sera consommée. Car la Révolution et la haine de l’Autriche sont inséparables. Les deux idées sont étroitement liées. « La rupture de l’alliance est aussi nécessaire que la prise de la Bastille », dit en 1792 un membre du Comité diplomatique. Et Custine : « Pour être libres, il faut détruire la maison d’Autriche. » — « L’alliance de 1756 est incompatible avec la constitution française », dira Brissot. Et plus tard Dumouriez : « J’ai rempli mon devoir en rompant le traité de Vienne, source de tous nos maux. » Véritable obsession chez ces esprits qui se croient émancipés. En même temps, ils persistent dans leurs illusions à l’égard de la Prusse, toujours considérée comme l’alliée naturelle de la France. Ephraïm, l’agent de Frédéric-Guillaume à Paris, signalait en 1790 La Fayette, Barnave, la plupart des chefs du mouvement révolutionnaire, comme « chaudement portés pour l’amitié prussienne ». La tribune des Assemblées n’a cessé de retentir de l’éloge de Frédéric II et des Hohenzollern. Bien mieux : à qui les hommes de la Révolution, résolus à partir en guerre contre l’Autriche, avaient-ils offert le commandement de nos troupes ? Au duc de Brunswick lui-même, à celui qui devait, quelques mois plus tard, entrer en France précédé de son fameux manifeste. Et l’on avait songé à Brunswick, parce que, parent des Hohenzollern, on le regardait comme un ami de la France. Quelle déception lorsqu’on vit le roi de Prusse s’allier aux Habsbourg, comme l’Angleterre libérale, sur la bienveillance de laquelle on avait compté, et se lancer à la curée ! Un document diplomatique parlait alors avec naïveté de la liaison contre nature que S. M. Impériale venait de former avec le roi de Prusse. Et Dumouriez plaidait encore pour le Hohenzollern quand les sol-