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impuissante, pour unir l’Allemagne et conférer aux Hohenzollern l’Empire reconstitué.

Après Sébastopol et le traité de Paris, qui lui donnaient une position éminente en Europe, Napoléon III pouvait tout faire, le bien comme le mal. Ce fut le mal qu’il choisit en connaissance de cause. En vain Drouyn de Lhuys avait-il conseillé une sage et prudente politique de conservation européenne, un retour au système de Guizot et de Vergennes, une entente avec l’Autriche, de moins en moins à craindre pour nous. Napoléon III refusa avec netteté. La cause des peuples lui commandait de se servir de sa puissance en Europe pour libérer, d’abord, l’Italie. La Russie, atteinte, ne pourrait plus venir au secours de Vienne. C’est la guerre contre l’Autriche que voulut et que choisit délibérément Napoléon III pour affranchir l’Italie et créer un État italien.

La guerre de 1859 marque l’apogée de la popularité du second Empire. La démocratie se reconnaît elle-même, s’admire, applaudit ses plus vieilles aspirations satisfaites dans cette guerre contre l’Autriche. D’anciennes traditions, des passions transmises de très loin se raniment. Le procureur général Pinard, célèbre par les invectives de Hugo, prononçait alors ce mot curieux « Pour trouver les partisans d’une guerre en Italie, il faut aller les chercher dans les centres où l’on complote la chute de l’Empire. » C’était, sous une forme excessive, l’expression d’une idée juste. La guerre contre l’Autriche absolutiste et cléricale, la guerre pour la libération italienne, transportait d’enthousiasme les libéraux (Havin et Guéroult), et les républicains mêmes qui n’avaient pas désarmé dans leur ressentiment contre le coup d’État. C’est Jules Favre qui adressait alors à l’Empereur cette apostrophe : « Si vous voulez détruire le despotisme autrichien, délivrer l’Italie de ses atteintes, mon cœur, mon sang, tout mon être est à vous. » Le jour où Napoléon III se rendit à la gare de Lyon pour rejoindre notre armée de Lombardie fut le plus beau jour de son règne. Paris en fête couvrit sa voiture de fleurs. Le faubourg Saint-Antoine lui-même, où les barricades du 2 décembre s’étaient dressées, l’acclama.

Magenta, Solférino, brillantes victoires, n’avaient pourtant pas fait couler le sang français pour l’Italie seule. C’est pour la Prusse, pour l’ennemie du lendemain, que la démocratie napo-