Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/156

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le roi Guillaume par la pensée que « la Prusse, un jour, saura gré au Piémont de l’exemple qu’il vient de lui donner. »

(M. Crispi chez M. de Bismarck, Journal
de voyage, Rome, 1894, p. 55 à 57).

Plus loin, dans la bouche de Crispi :

« Coup d’œil rétrospectif sur l’histoire : Parallélisme des destinées politiques du Piémont et de la Prusse, de la maison de Savoie et de celle des Hohenzollern qui, l’une et l’autre, pourraient avoir la même devise : Vom Fels zum Meer (de la montagne à la mer).

« Victor-Amédée II de Savoie fut un des premiers souverains qui reconnurent à Frédéric Ier la qualité de roi de Prusse ; par réciprocité, le fils de Frédéric, Frédéric-Guillaume Ier, fut des premiers à reconnaître à Victor-Amédée la qualité de roi de Sicile qu’il avait acquise par le traité d’Utrecht et qu’il devait échanger, en 1720, avec celle du roi de Sardaigne. Victor-Amédée écrivait, le 25 juillet 1716, à son ambassadeur à Paris, où venait d’arriver le ministre de Prusse, baron de Knyphausen : « Nous souhaitons que vous tâchiez de lier amitié avec le ministre de Prusse, vous en procurant la confiance, que vous aurez soin ensuite de cultiver. Nos ministres ont toujours eu celle des ministres du feu Roy, et il y a toujours eu entre eux beaucoup de liaison, ainsi qu’il y a en a eu une fort cordiale entre Nous et Luy. Vous rencontrerez notre entière satisfaction si vous pouviez en fomenter une égale entre Nous et le Roy son maître… » Le Roi de Prusse faisait, en réponse, exprimer « les sentiments d’estime et de joie avec lesquels il avait appris les ouvertures faites à son Ministre, auxquelles il répondrait d’une manière qui prouverait combien il s’estimait heureux de pouvoir affermir avec S. M. Sicilienne une véritable bonne correspondance, telle qu’elle pût être utile aux deux cours et au bien commun… »

(Ibidem, p. 154 à 156).

La participation de l’Italie à la guerre de 1915 du même côté que la France est un de ces événements qui montrent combien la vie politique est complexe et féconde en réactions et en surprises. Si l’unité italienne a eu des partisans en France, c’étaient aussi des partisans de l’unité allemande et des admirateurs de la Prusse, qui ne séparaient pas la nouvelle Italie de la nouvelle Allemagne. L’Italie qui a manqué à notre alliance en 1870, n’a pas été l’alliée de l’Allemagne en 1914-1915, et ces deux attitudes s’expliquent fort bien par la position même de