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AVANT-PROPOS


ON compte, en moyenne, trois générations par siècle. Nous touchons donc presque tous, par nos grands-pères, à la période qui a suivi Waterloo.

Ces cent années, qui ont mûri la plus grande guerre de tous les temps, qui sont si proches de nous et qui nous ont faits ce que nous sommes, elles sont pourtant mal connues. Nous avons essayé d’en présenter un raccourci et une synthèse et de montrer la suite et le fil des événements.

De longtemps, l’histoire ne pourra plus être écrite qu’au point de vue de la guerre universelle, comme elle a été écrite, pendant le dix-neuvième siècle, en France au point de vue de la Révolution, en Allemagne au point de vue de l’unité allemande. L’histoire, chez nous, devra être nationale comme la politique elle-même. Dans l’exposé des causes profondes d’où a surgi l’orage de 1914, il y a un élément de démonstration. Il y a aussi un élément de conciliation.

L’étude du passé donne la clef de ces agitations, à première vue incohérentes, par lesquelles le peuple français, en cent ans, a établi et renversé tant de régimes. A tâtons, en se querellant, les pères et les grands-pères avaient cherché la solution définitive. Au bout de leurs rêves, de leurs illusions, de leurs expériences, les petits-fils se sont retrouvés en face de l’Allemagne, en présence du vieil ennemi... Nos révolutions s’éclairent quand on se place à ce point de vue pratique et national. Elles perdent leur caractère religieux et, partant, leur caractère diviseur. On ressent surtout une grande pitié pour ces foules dont la marche a ressemblé à celle des aveugles dans le tableau de Breughel. Tel est du moins l’esprit sympathique dans lequel ce livre a été conçu.