Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/191

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la paix n’était pas populaire. Et Lamartine devait l’éprouver à son tour en 1848.

Cependant ses avertissements avaient été inutiles. Le retour des cendres fut l’apothéose du romantisme napoléonien. Et tandis que Paris était remué dans ses entrailles par ces évocations, un jeune homme était enfermé à la prison de Ham pour avoir conspiré deux fois contre la sûreté de l’État. A Strasbourg, puis à Boulogne, le neveu de l’empereur avait essayé de soulever la garnison, et les personnes raisonnables s’accordaient à trouver ces manifestations ridicules. La première fois, il avait même été grâcié. C’était pourtant pour lui qu’on travaillait en portant à travers Paris la dépouille de son oncle, tandis que la littérature, la poésie, l’éloquence rivalisaient pour frapper l’imagination des Français : « La foule était là, comme devant un autel où le dieu serait visible », écrivait Victor Hugo dans ses Choses vues en quittant la Chapelle des Invalides. Tout le jour, le poète s’était promené à travers Paris. Près de lui, des hommes du peuple passaient et chantaient « Vive mon grand Napoléon ! Vive mon vieux Napoléon ! » Lui-même, lyriquement, traduisait ces acclamations naïves. Il était un des poètes du culte napoléonien. Encore quelques années, et cette religion se traduirait en bulletins de vote, ces bulletins de vote en désastres.

Il a été longtemps de mode de railler Metternich et son style dont les quatre images préférées étaient la peste, le volcan, le cancer et le déluge. Metternich ne cessait de répéter que les idées libérales répandraient sur l’Europe autant de maux qu’il en était sorti de la boîte de Pandore. Les libéraux allemands lui paraissaient les plus dangereux de tous et il avait raison, car c’étaient déjà des pangermanistes. L’homme de la Sainte-Alliance ne se trompait pas, et ce que nous avons vu à la fin a terriblement justifié ses prophéties et dépassé ses métaphores. L’histoire doit le réhabiliter aujourd’hui, car il fut presque seul de son temps à comprendre et à surveiller les progrès de la Prusse. Il fut presque seul aussi à dénoncer le principe des nationalités comme une erreur qui devait coûter cher au vieux