Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/239

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par Offenbach. Elle eut beaucoup plus de succès que les nouvelles prophéties de Thiers...

Elle fut encore bien gaie, cette exposition de 1867. La prospérité de la France y brillait et tous les monarques de l’Europe s’y étaient donné rendez-vous. Parfois, en rapprochant de ce luxe, de cette richesse étalée à tous les regards, les avertissements lancés à la tribune ou dans la presse, une inquiétude troublait le bon sens français. « L’étranger va être jaloux », disait-on. Les pensées de la foule n’allaient guère plus loin. La force du pays inspirait une telle confiance, et l’on était si loin de voir le danger allemand ! Les vieux préjugés n’avaient pas cédé encore et, tandis que Bismarck et le roi de Prusse étaient accueillis sans une manifestation, l’empereur de Russie recevait à bout portant le « vive la Pologne, Monsieur », de quelques jeunes avocats avant d’essuyer le coup de feu de Berezowski. Là encore, l’amour des nationalités nous coûta cher. En 1870, Alexandre se souviendra de son voyage à Paris et de la Crimée. Et puis, pourquoi était-ce au tsar seul que s’en prenaient les défenseurs de la cause polonaise et non pas au roi de Prusse ? Est-ce que les Polonais de Posen n’étaient pas aussi persécutés, aussi intéressants que ceux de Varsovie ? De quelle singulière indulgence, legs des anciennes erreurs, bénéficiaient encore les Hohenzollern !

Déjà, pourtant, la menace de l’agression pesait sur la France. Et c’est alors que les rêves de désarmement, de fraternité universelle, commencèrent à se répandre avec la croyance que les guerres étaient finies, et que les États-Unis d’Europe, — c’était le nom qu’on donnait à la Société des Nations, — était la formule politique de l’avenir immédiat.

Les couples français qui, de tous les coins de nos provinces, vinrent, par trains de plaisir, visiter l’exposition de 1867 eurent un étrange bréviaire. C’était un guide de Paris, rédigé et illustré par les principaux écrivains et artistes de la France. J’en ai un exemplaire entre les mains qu’un de mes amis a trouvé, l’an dernier, dans une maison du front, une maison bourgeoise bombardée. Le livre gisait au milieu des meubles brisés et des souvenirs de famille détruits. Mon ami l’ouvrit dans ce foyer dévasté, et voici ce qu’il lut :

« Au vingtième siècle, il y aura une nation extraordinaire.