Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/242

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matière le nouveau progrès acquis et gagné ? J’en espère un, mais bien vaguement, sans me hasarder à le deviner et à le prédire ». Sage précaution. Subtile réserve d’une intelligence qui savait que tous les progrès, toutes les civilisations sont fragiles. Nous non plus nous ne savons pas si, en 1963, nos successeurs vivront dans un âge d’or ou dans un siècle de fer, ni quelles libertés ou quelles obligations les attendent. Mais ce qui est sûr, c’est que, né cinquante ans plus tard, Renan aurait eu toutes les chances du monde, en 1914, d’être mobilisable, et, au lieu de méditer un nouveau livre sur la grève de Perros-Guirec, il eût été un jeune territorial astreint à rejoindre son dépôt dès les premiers jours de la mobilisation.

« Qu’on en prenne son parti », comme disait l’ironie, si mal appliquée, de Victor Hugo. Il a fallu que l’intellectuel lui-même en revînt au métier des armes pour qu’il y eût encore une France et une pensée française. Tel est le progrès que le principe des nationalités et une grande Allemagne auront valu à notre temps.