Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/261

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cruels souvenirs de 1830 qui ne furent jamais tout à fait abolis entre l’extrême droite et le centre droit. Les mots les divisaient autant que les rancunes. Quand les monarchistes furent sortis de cette logomachie, quand la fusion fut faite, grâce au comte de Paris, entre la légitimité et l’orléanisme, la besogne pour laquelle ils avaient été élus était déjà accomplie. La paix était signée. La Commune était vaincue. La Monarchie semblait n’avoir plus rien à offrir, plus rien à faire, et, aux yeux des électeurs, ses partisans avaient perdu leur vraie raison d’être. Avec les circonstances, l’état d’esprit qui avait dirigé les élections du 8 février s’était évanoui. Et, à chaque consultation électorale, les hommes de droite restaient sur le carreau, le flot républicain montait.

À partir de ce moment, les monarchistes parurent d’ailleurs incapables de parler un langage qui retînt l’attention de la France. Dans leurs discours, n’apparaissaient que des abstractions, et ce n’étaient pas celles qui touchaient les Français. Qu’était-ce que ce « droit », cet « ordre moral », ces « principes » ? Les expressions d’une langue morte. La plus grande partie de la nation n’y entendait rien. Ce qu’il y avait dans ces paroles de plus clair et de plus solide, c’est que la droite offrait de sauver la société en péril. Or, par la répression de la Commune, la société s’était sauvée toute seule. Que voulait-on lui apporter ?

Pendant quatre années, l’Assemblée se disputa à coups de bulletins de vote sur la République et la Monarchie. Jamais le sujet essentiel, qui était l’avenir national, ne fut abordé de front. On ne recherchait pas quelles étaient les institutions les meilleures pour la France dans l’état de choses nouveau créé par notre défaite et par la résurrection d’une grande et puissante Allemagne. Ce fait capital était celui par rapport auquel, désormais, toute la vie politique aurait dû s’ordonner. À aucun moment, ni l’Assemblée, ni les Français ne furent mis, pour déterminer leur choix, en présence de la grande réalité dont la sécurité et la vie même de la nation dépendaient. La France serait-elle une démocratie élective, avec tout ce que ce régime comporte, en face d’une vaste monarchie autoritaire et militaire, son ennemie ? Telle était la vraie question, et c’était une question de salut public. Elle eût peut-être amené les Français à réflé-