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CHAPITRE X

LA RÉPUBLIQUE DOIT CONCILIER LES DÉSIRS DE PAIX ET LES ASPIRATIONS NATIONALES


« Depuis mon dernier passage au quai d’Orsay, des changements sensibles s’étaient produits dans la politique européenne. En ce qui concerne la France, l’évolution se résume d’un mot : nous nous étions éloignés de l’Angleterre et rapprochés de l’Allemagne. À ce jeu nous avions perdu toute possibilité d’entente avec nos voisins sans rien gagner ailleurs, sauf la permission de disperser nos forces hors d’Europe. »
Souvenirs de C. de Freycinet.


APRÈS quatre années de discussions et de luttes, une assemblée monarchiste avait fini, de guerre lasse, par fonder le régime républicain : elle n’avait pas pu remonter le courant que Thiers avait créé. Il restait à défendre la République, à la consolider, et les choses se conservent par le même moyen qu’elles s’engendrent. La leçon de 1871 et la manœuvre de Thiers n’avaient pas été perdues pour les républicains. Non seulement ils ne seraient plus le parti de la guerre, mais encore ils retourneraient contre leurs adversaires le terrible grief. Tactique qui devait être couronnée de succès. Mais, par la force des choses, elle n’allait pas tarder à devenir système de gouvernement. Alors les conséquences seraient graves. Une réaction nationaliste surgirait de la démocratie elle-même. Et la République risquerait d’être tuée par un mouvement inverse de celui qui avait failli la rendre impossible. À cette lumière, il devient facile de saisir la suite confuse des événements jusqu’à l’orage boulangiste.