Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/369

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les gardes qui devaient ouvrir les portes de Paris au roi de Navarre : la dernière ressource du chef révolutionnaire paraît en tout cas avoir été d’offrir la couronne à Charles le Mauvais. Étienne Marcel finit comme un traître.

Jean Maillart et les bourgeois parisiens qui avaient mené cette contre-révolution arrêtèrent les amis du prévôt et envoyèrent des députés au régent qui reprit possession de la ville. On était en juillet 1358 : les troubles duraient depuis près de deux ans. Les traces en resteront longtemps dans les esprits. Lorsque le dauphin entra dans Paris, un bourgeois, selon le récit de Christine de Pisan, s’approcha et lui adressa des menaces. Le jeune prince empêcha qu’on lui fît du mal et se contenta de lui répondre d’un mot à la Henri IV : « On ne vous en croira pas, beau sire. » Le futur roi Charles, qui allait devenir Charles le Sage, vivra sous l’impression de ces événements révolutionnaires comme Louis XIV vivra sous l’impression de la Fronde.

La royauté était rétablie dans sa capitale, mais la guerre civile n’avait pas arrangé les affaires de la France. L’état de guerre durait. Les campagnes, à la merci des Anglais, foulées aux pieds, se défendaient comme elles pouvaient : l’histoire du grand Ferré, si connue, illustre la résistance du peuple à l’envahisseur, laisse pressentir Jeanne d’Arc. Les « compagnies », les brigands, les bandes navarraises ajoutaient aux calamités. Il fallait au royaume la paix d’abord. Celle qu’offrit Édouard III était telle (le vieil État anglo-normand en eût été reconstitué), que les États Généraux autorisèrent le régent à la repousser. Alors Édouard III se prépara de nouveau à envahir la France et cette menace eut un effet salutaire : Charles le Mauvais lui-même eut honte de ne pas paraître bon Français et conclut un accord provisoire avec le régent, tandis que les milices pourchassaient les grandes compagnies. Édouard III, débarqué à Calais avec une puissante armée, se heurta partout à des populations hostiles, à des villes qui s’enfermaient dans leurs murs. Il parut devant Paris et les Français se gardèrent de lui offrir la bataille. Las de battre un pays désert, Édouard III, craignant un désastre, rabattit de ses exigences. On signa en 1360 le traité de Brétigny qui nous laissait la Normandie mais nous enlevait tout le Sud-Ouest