Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/375

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de Bourgogne à son héritage de Flandre. Le pouvoir redevenait faible et, de plus, il était divisé. Les illustres collaborateurs, les bons conseillers de Charles V étaient morts, comme Duguesclin, ou disgraciés par les ducs. Il n’en fallut pas davantage pour réveiller l’esprit révolutionnaire qui s’était déjà manifesté avec Étienne Marcel.

Dès que les régents voulurent lever des impôts, des émeutes éclatèrent à Paris. Le Conseil, avide de popularité, céda tout de suite. Aussitôt, les villes de province, encouragées, opposèrent la même résistance. Le Conseil en appela aux États pour voter les aides : tout le système de Charles V était détruit sans que l’appel aux États eût donné de meilleurs effets que pendant la captivité du roi Jean. On sentit que le gouvernement était sans force. Il fut bravé un peu partout. Rouen, Amiens, le Languedoc se soulevèrent. Tandis que le duc d’Anjou châtiait Rouen, Paris s’insurgeait de nouveau, et plus violemment. Le peuple pillait l’Arsenal, s’armait, enlevait vingt mille maillets de fer : ce fut la sédition des Maillotins. Il fallut revenir sur Paris où les bourgeois, effrayés par les excès des mutins, négocièrent avec les régents. Cependant les troubles persistaient en France. À tort ou à raison, le duc de Bourgogne déclara que le foyer de la révolution était chez les Gantois insurgés contre leur comte, son beau-père. Une expédition fut conduite en Flandre et le jeune roi y prit part. Charles V avait laissé une armée solide : elle travailla pour l’héritage du duc de Bourgogne. Les Flamands furent écrasés à Rosebecque. Cependant il fallut revenir au plus vite pour réprimer à Paris une nouvelle révolte des Maillotins. Cette fois les troupes royales entrèrent « les glaives au poing ». La répression fut sévère et, pendant trois semaines, les cours martiales prononcèrent des exécutions (1382).

L’œuvre de Charles V sombrait dans ces désordres. Par bonheur, l’Angleterre, au même moment, sous un roi pareillement trop jeune, l’étourdi Richard II, n’était pas moins troublée : le duc de Bourgogne, qui avait de l’esprit politique, quoiqu’il l’appliquât surtout à ses propres affaires, ne se trompait peut-être pas quand il disait que les révolutions se tenaient et se répandaient d’un pays à l’autre.

Tandis qu’apparaissaient ces symptômes inquiétants,