Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/377

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tion de ce pays, qui tentât des expéditions ». Louis d’Orléans eut contre lui l’Université, à cause de l’affaire du pape ; les contribuables parce que, pour continuer Charles le Sage, il fallait lever des impôts ; enfin le duc de Bourgogne, parce que ce prince, par ses possessions de Flandre et des Pays-Bas, se trouvait engagé dans un système qui n’était plus français. Ce nouveau duc, Jean sans Peur, cousin germain du roi et du duc d’Orléans, n’était déjà plus des nôtres, il était nationalisé flamand. Sous les apparences d’un Français, il y avait un étranger au conseil de régence. Il était désigné pour rallier les mécontents.

Entre Louis et Jean sans Peur, ce fut d’abord une lutte sourde. Ce que faisait Orléans, Bourgogne le défaisait. Orléans établissait des taxes : elles étaient supprimées par Bourgogne. Moyen de popularité facile. Moyen aussi de ménager l’Angleterre, comme la politique permanente des Flamands le voulait. Le roi anglais, Richard II, était devenu pour nous un ami. Il avait épousé la fille de Charles VI. Et il était trop occupé des séditions de son royaume pour reprendre la guerre en France. Ce fut une des raisons de sa chute, non la seule, car il fut imprudent et extravagant avec ses Anglais et leur Parlement, si difficiles à gouverner. Richard II subit le sort d’Édouard II, à qui l’Angleterre reprochait aussi de lui avoir donné une reine française. Richard fut détrôné par son cousin Henri de Lancastre, puis assassiné. À la place d’un brouillon inoffensif, l’Angleterre avait un roi qui serait et notre adversaire et le père d’Henri V, l’homme d’Azincourt, un ennemi encore plus cruel que ne l’avait été Édouard III. L’action discrète de Jean sans Peur favorisa Lancastre contre l’intérêt de la France.

En somme, dans le gouvernement des ducs, l’influence bourguignonne l’emportait toujours. C’était elle qui menait l’État français. Il fallait que Louis d’Orléans, pour être aussi puissant que son cousin, eût comme lui des possessions hors de France. Il acquit le Luxembourg d’où il surveillait les Pays-Bas. Le duc de Bourgogne se sentit menacé et ne songea plus qu’à supprimer son rival. Un soir de 1407, il fit tuer son cousin dans une rue de Paris.

L’assassinat du duc d’Orléans coupa la France en deux. Il cristallisa les partis et fut le signal de la guerre civile. De part