Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/397

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le raisonnement : tout conspirait à nous entraîner en Italie, où nous étions déjà allés du temps de Philippe III.

Sagement, Charles VII et Louis XI avaient refusé de soutenir les droits sur Naples qu’ils tenaient de la maison d’Anjou. Ils avaient résisté aux sollicitations des cités italiennes. Mais un esprit d’aventure soufflait en France. Beaucoup d’Italiens étaient venus : leur pays de soleil attirait. En développant le commerce, — l’essor de Lyon date de ce temps-là, — Louis XI avait donné naissance à de nouveaux courants : Lyon et ses soies sont en rapport avec le Piémont et la Lombardie. Et il avait encore, cet avare, donné naissance à des idées de luxe : d’Italie, il ne venait pas seulement des cages de fer. Italiam ! Italiam ! C’était un désir, le goût de l’art, du beau, plus que celui des conquêtes, qui animait les Français. Si l’on cherche les résultats des brillantes campagnes de Charles VIII, de son entrée à Rome, de sa chevauchée jusqu’à Naples, on ne les trouve guère que dans l’ordre esthétique. Ce fut une vraie guerre de magnificence. Le beau voyage ! Qu’il plut aux Français ! Avec quelle complaisance il fut parlé des exploits de Bayard et de La Trémoille ! Quelle revanche des années grises où Louis XI, enfermé à Plessis-lez-Tours, coiffé de son vieux chapeau, ruminait de longs calculs !

On ne peut trouver à ces expéditions qu’une seule raison vraiment politique : c’était d’empêcher que l’Italie tombât au pouvoir de Maximilien qui, épousant toujours, tenait de sa femme Blanche Sforza des droits sur le Milanais. C’était aussi d’écarter l’Espagne dont les princes s’étaient emparés du royaume de Naples au détriment de la maison d’Anjou. L’anarchie italienne attirait les convoitises et l’Italie nous appelait à l’aide. Savonarole, à Florence, saluait le roi de France des noms de libérateur et de vengeur. Ainsi tout invitait Charles VIII à franchir les Alpes.

Cette guerre, si désirée, si fêtée, il fallut pourtant la payer du Roussillon rendu au roi d’Aragon pour qu’il restât neutre. Elle fut aussi le principe de complications infinies, d’une suite de coalitions et de ligues jusqu’au jour où, par le mariage du fils de Maximilien avec Jeanne la Folle, l’empereur germanique, Charles-Quint, deviendra roi d’Espagne et réalisera la puissance la plus dangereuse que la France ait rencontrée depuis