Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/400

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la ligne moyenne de la modération et du bon sens, la convenance était parfaite. On comprend que la Monarchie capétienne, qui avait déjà résisté à tant d’orages, se soit si profondément enracinée, que la France lui soit revenue à plusieurs reprises et lui soit restée fidèle longtemps.

Il s’en faut pourtant de beaucoup que l’activité de Louis XII au dehors ait été aussi heureuse. La guerre d’Italie, qu’il avait reprise, qui gardait toujours le même charme, tourna plus mal encore que sous Charles VIII. Après des débuts faciles, la France s’englua dans les complications italiennes. Les alliances, les ligues, avec ou contre les Espagnols, avec ou contre Maximilien, avec ou contre Jules II, se nouaient et se dénouaient d’un jour à l’autre. Louis XII partageait le royaume de Naples avec le roi d’Espagne, puis le partage entraînait la brouille et nous étions vaincus à Cérignole. Associé un moment à l’empereur et au pape contre la République de Venise, Louis XII entre bientôt en conflit avec Jules II qui coalise contre la France Maximilien, Ferdinand le Catholique, Henri VIII d’Angleterre, les Suisses et la République de Venise. La France est aux prises avec toute l’Europe d’alors. Malgré des prodiges de valeur militaire, malgré la campagne de Gaston de Foix, aussi foudroyante que celle de Bonaparte, malgré la victoire de Ravenne où le jeune capitaine périt, la France finit par perdre l’Italie à la bataille de Novare (1513). Ce fut le signal de l’invasion. Henri VIII débarqua une armée à Calais, la terrible porte que gardait chez nous l’Angleterre, et prit Tournai. Les Allemands, les Impériaux, parurent en France pour la première fois depuis longtemps. Ils assiégèrent Dijon, accompagnés des Suisses devenus nos ennemis. Heureusement la « furie des Français », célèbre depuis Fornoue, inspirait une crainte salutaire. On acheta d’abord les Suisses, qui avaient des goûts mercenaires, puis Henri VIII, qui trouva que c’était de l’argent vite gagné. Louis XII s’étant réconcilié avec le pape Léon X, les autres coalisés se dispersèrent. Le roi mourut peu après cette alerte. Mais le signe était grave et on ne le comprit pas. La France brillante et heureuse qui pleura le « père du peuple » oublia de se dire ce qu’elle doit se dire toujours : « Souviens-toi que tu peux être envahie. »