Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/402

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durera jusqu’à la Révolution, date de là. Il y gagna aussi l’estime de ceux qu’il avait battus. Une paix perpétuelle fut signée à Fribourg avec les cantons suisses : de part et d’autre, exemple presque unique dans l’histoire, le pacte a été observé.

La Lombardie, ce champ de bataille européen, était conquise pour la troisième fois. À quoi la conquête de ce poste avancé pouvait-elle être utile sinon à empêcher qu’un autre s’en emparât ? Déjà on voyait grandir une formidable puissance. La patience et l’art des mariages avaient servi l’ambition de la pauvre maison de Habsbourg. Le petit-fils de Maximilien et de Marie de Bourgogne recevrait un héritage immense. Il aurait les Pays-Bas, l’archiduché d’Autriche, l’Espagne et, par l’Espagne, Naples et les trésors nouveaux de l’Amérique. Que lui manquerait-il ? D’être empereur comme son grand-père, de disposer de l’Allemagne autant que l’empereur élu pouvait en disposer.

Maximilien mourut en 1519. Contre Charles d’Autriche, pour empêcher cette formidable concentration, François Ier conçut l’idée de se porter candidat à l’Empire. Pourquoi non ? Le choix des électeurs allemands était libre. Quelques-uns étaient nos amis, d’autres à vendre. La lutte électorale entre les deux rois fut la même que si l’enjeu avait été un clocher. Bien que quelques princes seulement fussent électeurs, l’opinion publique comptait, elle pesait sur leurs votes : on fit campagne contre François Ier dans les cabarets allemands et les deux concurrents n’épargnèrent ni l’argent, ni la réclame, ni les promesses, ni la calomnie. Pour combattre l’or du candidat français, les grands banquiers d’Augsbourg, les Fugger, vinrent au secours, non de l’Autrichien, mais du prince qui, par Anvers, tenait le commerce de l’Allemagne. L’opération de banque réussit. Au vote, Charles l’emporta. La monstrueuse puissance était constituée, l’Espagne et l’Allemagne accouplées. Mais, quelques mois plus tard, Luther brûlait à Wittenberg la bulle du pape. L’Allemagne aurait sa guerre religieuse, et avant nous. La France saurait en profiter. Une Allemagne unie, avec l’empereur vraiment maître, telle que la rêvait Charles-Quint, c’eût peut-être été notre mort.

Au moins, c’eût été l’effondrement. La France était bloquée au Nord, à l’Est, sur les Pyrénées : nous finissons par com-