Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/419

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moment le plus mauvais. Il a ainsi une lourde responsabilité dans les massacres et les guerres civiles. L’ordonnance qu’il rendit, selon l’usage, après les États Généraux d’Orléans, répondait aux réformes demandées par les députés bourgeois, effrayés surtout de la dépense et du déficit qui atteignait 43 millions, chiffre énorme alors. Le chancelier fit des économies, mais de l’espèce des économies ruineuses. Il diminua la force publique, licencia la garde écossaise. Les pensions réduites firent des mécontents et des « demi-solde ». Ce n’était pas tout. Les pouvoirs des municipalités furent accrus : c’est comme si, dans des temps troublés, la police intérieure était abandonnée aux communes. L’Hospital pensait que la liberté arrangerait tout : il désarmait le gouvernement et il armait les partis. Michelet, presque malgré lui, traite ce libéral comme un imbécile : « Aux flots de la mer soulevée, aux éléments furieux, au chaos, il dit : Soyez rois. »

Ces circonstances expliquent comment, presque d’un seul coup, la France flamba. En vain le chancelier multipliait les édits ; personne ne les observait. Les calvinistes ne trouvaient pas qu’il leur donnât assez et le parti catholique trouvait qu’il leur donnait trop. Les uns troublaient la messe, les autres le prêche, sans qu’on sût jamais qui avait commencé. La singulière idée qu’eut L’Hospital de convoquer à Poissy un colloque d’évêques et de ministres pour rapprocher les deux religions s’acheva par une violente querelle et laissa penser aux catholiques que le pouvoir était prêt à sacrifier leur foi. Dans son rôle de conciliatrice, Catherine de Médicis se rendait suspecte. Déjà, le duc de Guise, le vieux connétable de Montmorency et le maréchal de Saint-André avaient formé une sorte de gouvernement à côté du gouvernement, le triumvirat. Un incident plus grave que les autres, où le duc de Guise fut personnellement mêlé, donna le signal de la guerre civile. Les protestants, dont les coreligionnaires avaient eu le dessous dans la sanglante échauffourée qu’on a appelée le massacre de Vassy, crièrent à la persécution et prirent les armes. On était en mars 1562 : la véritable guerre civile commençait et un manifeste du prince de Condé l’ouvrit.

Cette guerre, François de Guise, avec sa décision ordinaire, voulut l’entreprendre dans de bonnes conditions. Il avait pour