Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/425

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de son père. Mais l’excitation de Paris était grande. On avait annoncé que les noces d’Henri de Bourbon seraient des « noces vermeilles ». En somme le gouvernement, par sa nouvelle politique favorable aux protestants, s’était mis dans une de ces situations fausses dont on ne sort plus que par la violence. La sincérité de Charles IX ne peut être mise en doute. Après l’attentat de Maurevel contre Coligny, il avait encore pris des mesures pour la protection des calvinistes. Ce ne fut pas sans de longues hésitations qu’il finit par se ranger au parti contraire et par se rendre aux conseils de Catherine de Médicis qui, ramenée à d’autres sentiments, lui représenta qu’il mettait la monarchie en danger, que Coligny l’entraînait à sa perte, que si les Guise prenaient la direction de la réaction catholique qui s’annonçait, ils deviendraient les maîtres de l’État. L’unique ressource était de les devancer et de frapper le parti protestant à la tête.

La Saint-Barthélemy fut ainsi bien moins l’effet du fanatisme que la conséquence de la politique de bascule et de la politique de ménagements. Le roi, pour avoir penché du côté de Coligny, était dans une impasse. Les protestants étaient installés au Louvre avec son beau-frère. Comment les renvoyer ? Mais s’il continuait à gouverner avec Coligny, une révolution pouvait les renverser tous les deux. Chasser Coligny ? Autre perplexité. C’était aussi chasser Henri de Bourbon à qui le roi venait de donner sa sœur. C’était désavouer ce mariage qui avait coûté tant de peine, suscité tant d’opposition, et qui avait tant d’importance pour l’avenir du trône. Cependant un coup d’État des Guise, qui avaient refusé de quitter Paris et que la population approuvait, était imminent.

Les deux journées qui précédèrent le 24 août 1572 furent remplies par des conseils orageux où furent exprimés les avis les plus divers. Le plus curieux, celui qui peint le mieux la situation, fut donné par Catherine de Médicis qui songeait à laisser le champ libre aux Lorrains, comme on appelait les Guise, pour se retourner contre eux quand ils auraient décapité le parti calviniste. Ainsi la monarchie n’eût pas trempé dans la sanglante affaire et elle eût été affranchie de tous les grands, de tous les chefs, catholiques et protestants. Ce plan parut compliqué, dangereux, incertain, capable de donner aux Guise une autorité qu’il eût été difficile de leur reprendre ensuite.