Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/47

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fixait l’Empire dans le désordre, il rendait impossible l’institution d’une monarchie indépendante et forte. Maximilien, qui, cent cinquante ans plus tard, essaya de réagir, de tirer l’Allemagne du gâchis, de lui rendre l’unité et la puissance, devait échouer sur la Bulle d’Or. « Jamais, disait-il, peste plus pestilentielle que ce Charles IV n’a sévi sur la Germanie. » Et, de nos jours, un historien anglais, et comme tel fort attaché aux principes constitutionnels, a pu écrire de Charles IV : « Il légalisa l’anarchie et appela cela faire une Constitution »[1].

Il est un cas historique, illustré cent fois par le roman et par le théâtre, et qui montre les mœurs politiques du Saint-Empire toutes pareilles aux mœurs électorales de tous les pays et de tous les temps. C’est l’élection fameuse où Charles-Quint eut pour rival François Ier. Tous deux rois de droit divin, l’un en France, l’autre en Espagne, ces preux, ces fleurs de chevalerie ne luttèrent pas pour la couronne impériale par d’autres moyens qu’un vétérinaire et un avocat concurrents au même siège dans une de nos circonscriptions rurales. Le roi de France se présentait en ces termes et faisait cette déclaration de candidature dans un manifeste rédigé par le cardinal Duprat : « … Le Roi est largement comblé des biens de l’esprit, du corps et de la fortune, en pleine jeunesse, en pleine vigueur, généreux et par suite cher aux soldats, capable de supporter les veilles, le froid, la faim… Quant au roi catholique, fault considérer son jeune âge et que ses royaumes sont lointains de l’Empire, en sorte que ne lui viendrait à main d’avoir le soing et cure de l’un et des autres… Et avec ce, les mœurs et façons de vivre d’Espaignols ne sont conformes, ains totalement contraires à celles d’Allemands. Au contraire la nation française, quasi en tout, se conforme en celle d’Allemagne, aussi en est-elle issue et venue, c’est assavoir de Sicambres, comme les historiographes anciens récitent… »

  1. Les sept princes électeurs acquirent, avec l’extension de leurs privilèges, une prédominance marquée et dangereuse en Allemagne… Ils étaient autorisés à exercer des droits régaliens absolus dans leurs États ; leur consentement était indispensable à tout acte public de quelque importance. Ils eurent bientôt leur large part de cette vénération populaire qui entourait l’Empereur aussi bien que de ce pouvoir effectif qui lui manquait ». (Bryce) Nous avons également assisté, dans la France contemporaine, à l’abaissement du pouvoir exécutif, tandis que l’autorité véritable passait à l’élément électoral.