Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/478

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pour se sauver et mettre Amsterdam hors d’atteinte. Elle fit plus : elle renversa la République bourgeoise, où nous gardions encore des amis, pour donner le stathoudérat, c’est-à-dire la monarchie, à Guillaume d’Orange, notre adversaire obstiné. Tout changea par la résistance de cette petite nation passée du régime républicain au régime monarchique et militaire. La France fut tenue en échec. Guillaume d’Orange s’appliquait partout à lui susciter des ennemis. Il travaillait l’Angleterre protestante contre Charles II. Il s’alliait à l’électeur de Brandebourg (la Prusse de demain), à l’empereur, à l’Espagne même, à tout ce qui avait des rancunes contre nous, à ceux qui auraient bien voulu détruire les traités de Westphalie et des Pyrénées. Ainsi se forma une première coalition, encore faible et chancelante, à laquelle la France résista victorieusement et sans grande difficulté. L’abstention de l’Angleterre ne nous créait pas de péril maritime et, sur le continent, il nous était facile de lancer la Suède et les Polonais contre les Brandebourgeois, les Hongrois contre l’empereur, et de nourrir des insurrections contre le roi d’Espagne, sans compter les États allemands qui nous restaient fidèles, comme la Bavière, ou qui le redevenaient soit par crainte des Habsbourg, soit à prix d’argent.

Il n’en est pas moins vrai que la situation était renversée : la France dut se mettre sur la défensive. Un moment, l’Alsace, que l’empereur rêvait de nous reprendre, fut envahie et c’est là que périt Turenne. Mais la France était forte sur terre et sur mer et elle était riche. Notre armée progressait, lentement, mais sûrement, dans la Flandre, qui restait notre objet principal. Notre marine, l’œuvre de Colbert, s’aguerrissait et l’illustre Ruyter était battu par Duquesne. Malgré la ténacité du stathouder, les Hollandais se lassaient, commençaient à prendre peur et nos amis du parti républicain demandaient la paix. De son côté, Louis XIV désirait en finir. Il ne cessait d’avoir les yeux fixés sur l’Angleterre qui nous échappait : Charles II, cédant peu à peu à l’opinion publique, venait de donner sa nièce Marie en mariage à Guillaume d’Orange. Enfin, la paix étant mûre fut signée à Nimègue en 1678 et Louis XIV put y imposer ses conditions, toujours inspirées des mêmes principes : des agrandissements calculés en vue de la sécurité de