Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/498

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la mort de Louis XIV, Stair, ambassadeur d’Angleterre, avait eu avec le duc d’Orléans des conférences secrètes. « Il persuada ce prince que le roi George et lui avaient les mêmes intérêts. Pour gagner d’autant mieux sa confiance, il convenait que George était un usurpateur à l’égard des Stuarts ; mais il ajoutait que si le faible rejeton de la famille royale en France venait à manquer, toutes les renonciations n’empêcheraient pas que lui, duc d’Orléans, ne fût regardé comme un usurpateur à l’égard du roi d’Espagne. Il ne pouvait donc, disait Stair, avoir d’allié plus sûr que le roi George. »

Telle fut la raison secrète de la triple alliance anglo-franco-hollandaise, du pacte par lequel le Régent et son ministre Dubois se livrèrent même à l’Angleterre. Le motif avoué, auquel des historiens se sont laissé prendre, c’était de garantir la paix d’Utrecht qui n’avait pourtant aucun besoin d’être garantie, comme le remarquait Albéroni, le ministre du roi d’Espagne. Le Régent et Dubois s’abandonnèrent aux Anglais qui les conduisirent droit à la guerre. Et la guerre avec qui ? Avec l’Espagne, aux côtés de laquelle nous venions de lutter contre l’Angleterre pour y établir un Bourbon. Que Philippe V ait commis des fautes en se mêlant des affaires de France, en s’obstinant à maintenir ses droits, au cas où Louis XV mourrait, ce n’est pas douteux. Mais on a beaucoup exagéré la « conspiration » de son ambassadeur Cellamare avec la duchesse du Maine, et cette intrigue, plus mondaine que politique, servit surtout de prétexte à la guerre contre l’Espagne (1718). Les fautes de Philippe V n’excusent pas celle qui consista, pour le seul profit de la politique anglaise, à détruire le système naturel de nos alliances, tel qu’il résultait de la guerre de succession. Les prétentions de Philippe V étaient platoniques tant que le jeune roi vivait. Il était facile de rassurer l’Angleterre, puisqu’elle s’alarmait encore de la réunion des deux couronnes, ou feignait de s’en alarmer. Si les projets d’Alberoni sur la Sicile étaient aventureux, ce n’était pas une raison pour aider l’Angleterre à détruire la marine espagnole, ce dont se chargea l’amiral Byng. Ce n’était pas une raison non plus pour envahir l’Espagne avec une armée française et pour y détruire de nos propres mains les vaisseaux en chantier et les arsenaux, c’est-à-dire pour assurer la suprématie