Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/500

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Michelet, « un gouvernement fort, bien assis ». Celui du Régent ne l’était pas. Il craignait tout. Il avait rétabli dans leur ancien pouvoir les Parlements toujours hostiles aux taxes. Soumettre de grands seigneurs, des personnages influents, à l’impôt du dixième, c’était peut-être les faire passer au parti de Philippe V et des Légitimés. Saigner la bourgeoisie, le peuple, c’était créer de l’irritation et le Régent avait besoin de popularité. Il fut conquis par le Système de Law, très séduisant en apparence, et qui consistait à créer une richesse artificielle et des ressources fictives, sans avoir l’air de rien demander à personne, en imprimant du papier-monnaie.

Le Système de Law a gardé des défenseurs qui assurent, sans preuve, qu’il fut ruiné par la jalousie des Anglais, ce qui achèverait d’ailleurs, si c’était vrai, de condamner Dubois et la politique de complaisance envers l’Angleterre. Le fait est qu’après une période brillante, un coup de fouet donné au commerce, à l’industrie, à la colonisation (la fondation du port de Lorient date de là), la débâcle survint. Il y avait eu des mois d’agiotage, dont le souvenir est resté légendaire, où des fortunes s’édifiaient en un jour. Tout à coup, l’échafaudage de Law vacilla. Il reposait sur la Compagnie des Indes, communément appelée Mississippi, dont les actions servaient à garantir les billets de la banque de Law, devenue banque de l’État. La baisse de ces actions entraîna donc celle des billets, puis, la baisse de ceux-ci précipitant la baisse de celles-là, ce fut un effondrement. Il y eut des ruines subites, un vaste déplacement des fortunes, sans compter l’atteinte au crédit, la perte de la confiance publique, bref un ébranlement social qui vint aggraver cet ébranlement moral dont nous avons relevé les premières traces à la fin du règne de Louis XIV.

Ce changement est bien marqué par la littérature. Après l’école de 1660, l’école de l’ordre et de l’autorité, celle de l’irrespect. Il est très significatif que la chute du Système soit de 1720 et la publication des Lettres persanes de l’année suivante.

Les contemporains se sont étonnés qu’une révolution n’ait pas éclaté à ce moment-là. Mais, une nouvelle Fronde n’était plus possible. L’État, tel que l’avait formé Louis XIV, était trop régulier, trop discipliné, trop puissant. Il fallait renverser