Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/504

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avec prudence. Il y eut, pendant quinze ans, une administration intelligente, économe, qui remit les finances à flot et rétablit la prospérité dans le royaume, preuve qu’il n’était pas condamné à la banqueroute depuis la guerre de succession d’Espagne et le Système de Law. De tout temps, la France n’a eu besoin que de quelques années de travail et d’ordre pour revenir à l’aisance et à la richesse. Notre éclatante civilisation du dix-huitième siècle ne s’expliquerait pas sans cette renaissance économique qui fut singulièrement aidée par les traditions bureaucratiques que le siècle précédent avait laissées. Il ne faut pas dire trop de mal des bureaux : leurs abus ne les empêchent pas d’être indispensables. Orry, dont le nom est resté obscur, fut un digne successeur de Colbert dans la gestion des deniers publics. D’Aguesseau, qui est illustre, continua l’œuvre législative que Colbert avait commencée, et, pour une large part, ses ordonnances ont été reproduites par le Code civil, car la Révolution a continué au moins autant qu’elle a innové.

Appliqué au relèvement de la France, Fleury, au-dehors, évitait les aventures. Il n’avait pas de grandes vues de politique européenne mais un sens assez juste de l’utile et du nécessaire. Le point noir de l’Europe, à ce moment-là, c’était la succession d’Autriche qui se présentait d’ailleurs autrement que la succession d’Espagne. L’Empereur Charles VI, n’ayant que des filles, se préoccupait de laisser ses États héréditaires à l’archiduchesse Marie-Thérèse et il cherchait à faire signer et garantir ses dispositions testamentaires, sa « Pragmatique sanction », par toutes les puissances. En France, un parti déjà nombreux représentait que la maison d’Autriche était l’ennemie du royaume, que nous n’avions pas intérêt à la perpétuer et que l’occasion de l’abattre définitivement ne devait pas être perdue. On était anti-autrichien au nom de la tradition et des principes de Richelieu. Ainsi naissait, sur une question de politique étrangère, une controverse qui devait dégénérer en conflit, un conflit qui, un jour, deviendrait fatal à la monarchie elle-même.

Fleury se contentait de surveiller les événements et de déjouer les intrigues qui pouvaient mettre la paix en danger, tout en refusant de signer la « Pragmatique sanction » de