Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/54

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conséquences. Si Louis XIII ne s’était pas résolu, par le brillant plaidoyer de Furstenberg, à prêter à l’Empereur le concours de ses armes, il avait observé la neutralité, comme Napoléon III en 1866. Comme alors aussi le réveil fut pénible. On a souvent parlé du coup de tonnerre de Sadowa : cette image s’applique exactement à la bataille de la Montagne-Blanche. Lorsque le roi de Bohême eut été écrasé par les armées de Ferdinand, on compris que l’Empereur venait de recevoir un surcroît de puissance redoutable, que le péril de la maison d’Autriche renaissait. Les ambassadeurs et ministres du Roi en Allemagne envoyèrent à Paris des avis pressants. Ils représentaient qu’on avait fait fausse route en restant neutre, en n’appuyant pas la Bohême et la ligue protestante contre l’Empereur. Au nom de la « raison d’État », au nom de l’intérêt de la France, ils demandaient un changement de politique. Ils expliquaient qu’il importait de ne pas se laisser donner le change par le plan de contre-réformation qu’affichait l’empereur et que, sous prétexte de restaurer l’unité religieuse en Allemagne, Ferdinand II voulait y établir l’unité politique. Ce manifeste des ambassadeurs était un cours complet de haute diplomatie : ce ne sont pas les bons conseillers, les esprits clairvoyants, qui ont jamais manqué à notre pays. Ce qui a manqué quelquefois, ce sont les gouvernements capables de comprendre les erreurs et de se remettre dans la route droite. En 1866, Napoléon III eut aussi à son service un bon diplomate qui tenta de réparer la faute commise. Drouyn de Lhuys ne fut pas écouté et le chef élu de la démocratie impériale s’applaudit même d’avoir gardé la neutralité. En 1620, l’erreur, commise dans des conditions semblables, si ce n’est qu’au lieu de partir de principes faux, elle venait de l’intérêt mal entendu, fut réparée sans retard. Cette aptitude à profiter des leçons, à s’adapter aux événements, caractérise l’œuvre générale de la monarchie capétienne, qui a été la création de la France, le maintien et le développement des résultats acquis au cours de ce grand voyage, fécond en surprises toujours renouvelées, que forme l’histoire d’un peuple tel que le nôtre.

C’est à l’impression laissée chez Louis XIII par le « coup de tonnerre » de la Montagne-Blanche que Richelieu dut son influence sur le roi. Il reçut l’autorité qui lui était nécessaire