Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/556

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hommes qui aspiraient au pouvoir, les partis, déjà apparus, et qui lutteraient pour le conquérir. La constitution monarchique que l’on préparait serait éphémère. Pour les mêmes raisons, celles qui la suivirent ne devaient pas l’être moins.

Pour se guider à travers ces événements confus, il faut s’en tenir à quelques idées simples et claires. Tout le monde sait que, jusqu’au 9 thermidor, les révolutionnaires les plus modérés, puis les moins violents, furent éliminés par les plus violents. Le mécanisme de ces éliminations successives fut toujours le même. Il servit contre les Constitutionnels, contre les Girondins, contre Danton. Le système consistait à dominer la Commune de Paris, à s’en emparer, à tenir les parties turbulentes de la capitale dans une exaltation continuelle par l’action de la presse et des clubs et en jouant de sentiments puissants comme la peur de la trahison et la peur de la famine, par laquelle une grande ville s’émeut toujours, puis à intimider par l’insurrection des assemblées remplies d’hommes hésitants et faibles. La politique financière, la politique religieuse, la politique étrangère des deux premières assemblées, la Constituante et la Législative, aidèrent singulièrement au succès de cette démagogie qui triompha sous la Convention.

Le pouvoir exécutif était suspendu et les ministres ne comptaient pas. Souverainement, l’Assemblée légiférait sans trêve. Elle remaniait la France, simplifiait jusqu’à la carte, divisait les provinces en départements de taille à peu près égale, mettait l’uniformité où était la diversité. Cette toute-puissance s’arrêtait devant le déficit. L’Assemblée aggravait même la détresse du Trésor par des innovations qui ouvraient de nouvelles dépenses en obligeant à des rachats et à des remboursements en même temps qu’elles tarissaient d’anciennes ressources sans en apporter de nouvelles ; l’abolition des privilèges fiscaux ne donna rien, parce que ceux qui payaient déjà demandèrent et obtinrent d’être dégrevés dans la mesure où les ci-devant privilégiés payeraient à l’avenir. Quant au recouvrement des impôts, nous avons déjà vu que l’anarchie en rendait les résultats presque dérisoires. Ils étaient et ils devaient être de plus en plus inférieurs aux prévisions en raison du relâchement de l’autorité, de la désorganisation générale et du bouleversement des fortunes.