Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/572

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sait à la guerre. Il fut dénoncé sans relâche à la tribune et dans la presse comme le protecteur des émigrés et le chef d’un « comité autrichien » dont l’inspiratrice aurait été la reine. Jusqu’alors rien n’avait réussi à compromettre sérieusement la famille royale. Ni l’affaire du collier avant 1789, ni la fuite à Varennes n’avaient détruit l’antique prestige, fondé sur l’union de la France et de la famille qui, depuis huit cents ans, se confondait avec elle. L’accusation lancée contre la reine, l’ « Autrichienne », de servir les intérêts de l’ennemi et de tourner la monarchie contre la nation, fut l’arme empoisonnée des Girondins. Pour en finir avec la royauté, il ne fallait pas moins que la dire coupable de trahison. Au mois de mars 1792, la Gironde remporta sa première victoire : Brissot obtint la mise en accusation de Lessart. C’était déjà celle du roi.

Constitutionnel jusqu’au bout, fidèle à son serment, Louis XVI se conforma au vote de l’Assemblée. Il prit pour ministres des Girondins, sous la présidence de Dumouriez, homme à tout faire, ami de tous, capable du bien comme du mal, qui se flattait, comme naguère Calonne, d’arranger les choses par son adresse et qui n’empêcha rien. Les Girondins, une fois dans la place, menèrent les choses rondement. Le 20 avril, ils obtenaient de l’Assemblée presque unanime, la déclaration de guerre à l’Autriche, prélude de la guerre générale. Cette date historique n’a tout son sens que si l’on rappelle que, cinq jours avant, la Législative avait autorisé l’apothéose « ignominieuse et dégradante » des soldats rebelles de Nancy, châtiés par Bouillé et amnistiés par la suite. La Législative les avait reçus à sa barre. La Commune jacobine de Paris organisa en leur honneur des fêtes qui arrachèrent à André Chénier une ode indignée. Cette exaltation de l’indiscipline au moment où ils défiaient la moitié de l’Europe, mesure l’esprit politique des Girondins. Ils jetaient dans la guerre un pays ravagé par la démagogie et qui n’avait pas de gouvernement. Ils préparaient ainsi la Terreur. Ils en rendaient la dictature inévitable et même nécessaire.

La guerre de 1792 ressemblait à celle de 1740 par la tradition anti-autrichienne dont elle se réclamait. À d’autres égards, heureusement pour la France, c’était encore une de ces guerres d’autrefois où les armées étaient peu nombreuses, où les cam-