Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/579

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devenus la droite de la nouvelle assemblée. Tout de suite, comptant sur la sympathie des députés des départements, ils attaquèrent les Jacobins, leur reprochèrent l’usurpation de la Commune de Paris et les massacres de septembre. Louvet demanda la mise en accusation de Robespierre et des septembriseurs. La majorité n’osa pas le suivre. Ses amis de la Gironde eux-mêmes l’abandonnèrent parce qu’ils sentirent que, pour une pareille réaction, la force leur manquait. Ainsi, dès le début, les Girondins avaient commis une faute grave : ils avaient menacé leurs alliés de la veille, leurs adversaires d’aujourd’hui, et ils avaient montré qu’ils n’avaient pas les moyens d’exécuter leur menace. Un mois après l’ouverture de la Convention, leur cause était déjà perdue. Les Jacobins, qui avaient commencé par se défendre, prenaient l’offensive. Accusés de meurtre et d’anarchie, ils accusèrent à leur tour. L’accusation qu’ils avaient encourue était capitale. Leur riposte, pour les sauver, devait l’être aussi. L’accusation qu’ils lancèrent était celle dont les Girondins s’étaient servis contre les ministres constitutionnels et contre la royauté : trahison, incivisme, complicité avec les contre-révolutionnaires. La Gironde avait inventé le « comité autrichien ». Sur de semblables apparences, on imagina contre eux le crime de fédéralisme, d’attentat à la République une et indivisible. Ainsi, en tout, les Jacobins manœuvraient la Gironde, la tenaient par sa peur de ne pas sembler assez républicaine, la repoussaient de position en position. La mise en accusation contre Robespierre avait été manquée. La riposte des Jacobins fut la mise en jugement de Louis XVI. Le régicide serait l’épreuve de toutes les sincérités républicaines. Tombés dans ce piège, les Girondins n’en sortirent pas. Ils avaient condamné les effusions de sang ; ils étaient mis en demeure de faire tomber la tête du roi ou de se rendre suspects. Ils n’évitèrent ni l’un ni l’autre. Répugnant au crime, ils proposèrent l’appel au peuple en guise d’échappatoire. Aussitôt la rue, les sections, les tribunes menacèrent la Convention qui céda à la même pression que les précédentes assemblées. Elle repoussa l’appel au peuple. Sur la mort, les Girondins en déroute se divisèrent. La direction leur échappait. Ils n’étaient même plus un parti. La mort du roi, enjeu de cette bataille pour le pouvoir, fut votée par 361 voix sur