Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/651

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

concours de la partie la plus conservatrice de la population, alors que son système allait être conservateur, et de la partie la plus pacifique, alors que sa politique allait être fondée sur le maintien de la paix. En outre, la monarchie de Juillet, par son attachement à un suffrage étroitement restreint, blessait une large partie de la classe moyenne, à l’image de laquelle ce régime semblait créé. La garde nationale, destinée à le défendre et à le maintenir, n’était composée que d’hommes qui payaient l’impôt direct, mais qui n’en payaient pas tous assez pour être électeurs. Chez les petits commerçants, les médecins, les avocats, les intellectuels, on irritait le sentiment de l’égalité, si vif dans la bourgeoisie. On les incitait à désirer, du moins pour eux-mêmes, le droit de suffrage dont quelques francs de contributions les séparaient. Ainsi, l’on faisait des mécontents tandis que les électeurs et les élus de la bourgeoisie riche donnaient des Chambres aussi frondeuses que sous la Restauration. Cet ensemble d’erreurs a causé la Révolution de 1848, comme nous le verrons bientôt.

Les débuts de la nouvelle monarchie furent pénibles. L’émeute, d’où elle était née, pesait sur elle et demandait son salaire. Il fallut lui céder d’abord et Louis-Philippe donna le ministère au banquier Laffitte et au parti du « mouvement ». Déjà, pourtant, il fallait résister à la pression de la rue qui exigeait la peine capitale pour les ministres de Charles X, dont on eut grand-peine à sauver la vie : ils ne furent condamnés qu’à la prison. Mais c’était à l’extérieur surtout qu’il fallait prendre garde. Les Alliés avaient lieu de penser, d’après le langage des révolutionnaires de 1830, que la France, revenue au drapeau tricolore, ne tarderait pas à reprendre ses anciennes conquêtes et ils étaient résolus à la maintenir dans ses frontières de 1815. Louis-Philippe dut les rassurer en secret.

Déjà, une grave question était posée. Avant les journées de Juillet, les Belges s’étaient soulevés contre la domination hollandaise. Les événements de Paris les avaient encouragés à se délivrer de leurs maîtres et ils étaient portés à chercher aide et protection du côté de la France. Le moment n’était-il pas venu de terminer, dans les meilleures conditions, une des plus grandes affaires de notre histoire, celle qui n’avait jamais pu