Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/665

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L’histoire très brève de la deuxième République est celle d’un enthousiasme rapidement déçu et d’une peur prolongée. C’est celle aussi d’un phénomène bien plus important : l’autorité, sous la forme des deux monarchies qui avaient successivement abdiqué, avait douté du pays, et c’est pourquoi, au premier accident, elle avait douté d’elle-même et défailli. Nous allons voir le pays se mettre à la recherche de l’autorité et, en très peu de temps, la rétablir. Ceux qui, par crainte du désordre, se méfiaient du peuple français s’étaient trompés autant que ceux qui, pour gagner ses suffrages, croyaient qu’une attitude démagogique était le moyen le plus sûr. Paris même, foyer des révolutions, n’allait pas tarder à se montrer hostile à la Révolution sociale et avec une rare violence.

Les premières semaines furent tumultueuses. Le gouvernement provisoire devait sans cesse parlementer avec les insurgés qui étaient restés sous les armes et qui réclamaient des satisfactions immédiates. Il fallut leur promettre le « droit au travail », au nom duquel furent créés les ateliers nationaux pour occuper les chômeurs. Lamartine parvint, non sans peine, à maintenir le drapeau tricolore et à écarter le drapeau rouge. Pourtant les exigences des ouvriers étaient moins graves que leurs illusions. Comme les modérés leur avaient dit que le progrès ne pouvait se réaliser en un jour, ils avaient montré leur bonne volonté en mettant « trois mois de misère au service de la République ». Trois mois pour réformer la société ! le suffrage universel proclamé, l’accès de la garde nationale, jusque-là réservé aux classes moyennes, ouvert à tous, la diminution de la journée de travail, la création d’une Commission des réformes sociales : c’était, avec les ateliers nationaux, à peu près tout ce qui était possible.

Mais il y avait des revendications d’un autre ordre qui étaient bien plus dangereuses, celles que l’idéalisme révolutionnaire inspirait. La revanche des traités de 1815, les frontières naturelles, la haine de la Sainte-Alliance avaient pris un caractère mystique. Les insurgés de 1830 pensaient encore aux conquêtes, à la Belgique et à la rive gauche du Rhin. Ceux de 1848 avaient la religion des peuples opprimés, de la Pologne surtout, dont le nom revenait sans cesse dans les discours. Sur divers points de l’Europe, des mouvements révolutionnaires