Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/673

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que le coup d’État établissait la dictature et supprimait le régime parlementaire. Dans des conditions au fond assez peu différentes de celles du 18 brumaire, le neveu du Premier Consul se substituait à la royauté dont le retour était seulement un peu plus probable en 1851 qu’en 1799. Mais que désirait la France ? Ce que l’Assemblée avait été incapable d’établir sur des bases solides : l’autorité et l’ordre. Le peuple français les reçut de Louis-Napoléon Bonaparte qui les lui apportait. Le coup d’État du 2 décembre, organisé de l’intérieur, exécuté dans les circonstances les plus favorables, ne rencontra donc qu’une faible résistance, celle de la minorité républicaine du pays. Encore cette minorité était-elle affaiblie par la rancune des ouvriers qui, se souvenant des journées de Juin, ne mirent qu’une médiocre ardeur à défendre une République qui ne subsistait plus que de nom. Le député Baudin se fît vainement tuer sur une barricade du faubourg Saint-Antoine. La tentative d’insurrection qui eut lieu à Paris fut arrêtée en trois jours. Plus on allait et plus les mesures contre la guerre des rues étaient sévères et méthodiques. Le pouvoir n’avait plus, comme en 1789 ou en 1848, de mansuétude ni d’hésitation. Aux journées de Juin, le général Cavaignac avait déjà perfectionné ce qu’on pourrait appeler la technique de la répression. Cette fois on fusilla tout individu pris les armes à la main. Le 5 décembre, Paris était redevenu calme. En province, il n’y eut que des soulèvements locaux dont la troupe vint à bout sans difficulté. L’ensemble de la France avait accepté le coup d’État. Le 21 décembre, le suffrage universel, rétabli comme l’avait promis le Prince Président, fut appelé à se prononcer. Par 7 000 000 de oui contre 600 000 non, il approuva Louis-Napoléon Bonaparte d’avoir violé et aboli la Constitution et lui conféra le pouvoir pour six ans. En réalité, l’Empire était fait.

« Voilà un demi-siècle que la France a les institutions administratives de l’an VIII, disait une proclamation du prince. Pourquoi n’en aurait-elle pas aussi les institutions politiques ? » En effet, il n’y avait presque rien à changer pour revenir à la dictature consulaire. Il suffit de limiter les pouvoirs de la Chambre, nommée de nouveau Corps législatif et privée de tout droit d’initiative. Le perfectionnement, c’était