Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/676

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le goût de la liberté reprendrait à mesure que s’éloignerait le souvenir du danger révolutionnaire. Comment l’Empire autoritaire pouvait-il apporter une satisfaction à l’idée républicaine ? En lui accordant ce que la monarchie de Juillet et la République conservatrice lui avaient refusé par prudence : le retour au programme de politique extérieure de la Révolution, frontières naturelles, délivrance des nationalités. Réaction au-dedans, libéralisme au-dehors : cette politique réussira au second Empire pendant une dizaine d’années, jusqu’au moment où les difficultés naîtront pour la France des changements qu’elle aura produits en Europe.

Comme Napoléon Ier, Napoléon III donnait à son règne un caractère monarchique et démocratique, conservateur et libéral. N’ayant pas trouvé de princesse de sang royal, il épousa Eugénie de Montijo en rappelant le souvenir de l’impératrice Joséphine. Le discours par lequel il annonça officiellement son mariage était aussi une sorte de manifeste. Il n’avait pas cherché « à s’introduire, à tout prix dans la famille des rois ». Mais il saurait s’imposer à la « vieille Europe » en prenant franchement « la position de parvenu, titre glorieux lorsqu’on parvient par le libre suffrage d’un grand peuple ».

La vieille Europe, Napoléon III songeait à la remanier, à en réviser la carte. Le retour au régime napoléonien n’aurait tout son sens, il n’aurait l’appui de l’opinion libérale, il n’échapperait au reproche dont les Bourbons et Louis-Philippe ne s’étaient jamais délivrés que si l’œuvre du Congrès de Vienne était abolie. D’autre part, l’expérience enseignait que si la France heurtait de front les alliés de 1814, elle s’exposait à les unir de nouveau contre elle. Il fallait donc, pour changer le cours des choses européennes, s’y prendre de manière à prévenir une coalition. Et comme la tête de la coalition eût encore été l’Angleterre, c’était avec l’Angleterre qu’il importait que le contact fût maintenu. La question d’Orient, toujours posée depuis un siècle, toujours propice aux diversions ou génératrice de complications, offrit à Napoléon III l’occasion dont il avait besoin. Charles X avait songé à effacer les conséquences de Waterloo par une alliance avec le tsar en lui laissant les mains libres en Turquie. C’était une combinaison renouvelée de Tilsit. Napoléon III la renversa. C’est avec