Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/683

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

fût seule le jour où il l’attaquerait. Lorsque enfin Napoléon se montra disposé à se contenter du Luxembourg, ce fut dans le Parlement de l’Allemagne du Nord une furieuse protestation contre la France, une manifestation de haine nationale ; Bismarck répondit que la volonté populaire lui interdisait de céder une terre germanique.

Trompé, humilié, Napoléon III portait à l’intérieur le poids de ses échecs. Le temps n’était plus où il n’y avait au Corps législatif que cinq opposants irréductibles. Aux élections de 1863, ils étaient passés à quinze. Paris et les grandes villes votaient pour les candidats de l’opposition. Aux élections de 1867, ce fut pire encore : les candidats du gouvernement n’obtinrent dans toute la France qu’un million de voix de plus que les autres. Le jeu de mots d’Henri Rochefort, dans le premier numéro de son pamphlet la Lanterne, n’était pas sans justesse : « La France contient trente-six millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement. » On était mécontent du Mexique, de Sadowa. L’Empire, après avoir promis qu’il serait la paix, avait fait la guerre et la guerre avait déçu les libéraux qui l’avaient désirée, puisque la Pologne n’était pas délivrée et que l’Italie, bien qu’elle eût enfin reçu la Vénétie en 1866, n’avait pas Rome. La grande masse des électeurs, qui tenait à la paix, était inquiète, parce que l’on commençait à parler d’accroître nos forces militaires pour tenir tête à la Prusse. Le principe des nationalités, qui n’avait donné que des déboires, n’exerçait plus la même séduction qu’autrefois. Une nouvelle école de républicains et de socialistes était venue, et celle-là, au lieu d’être belliqueuse, demandait l’abolition des armées permanentes. La réforme militaire du maréchal Niel, mollement soutenue par le gouvernement qui redoutait l’opinion publique, fut combattue par la gauche et n’aboutit pas. Enfin le mauvais souvenir de 1848 et des journées de Juin s’était éloigné. On ne savait plus gré à Napoléon III d’avoir rétabli l’autorité et l’ordre. Les dernières années de l’Empire s’écoulèrent ainsi dans le malaise et le trouble.

Pour le renverser, il fallut pourtant une catastrophe. Il y avait bien des révolutionnaires, mais personne ne pensait à une révolution. À mesure que l’Empire s’affaiblissait, il devenait