Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/692

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paix, les conservateurs monarchistes qu’il avait déjà envoyés aux Assemblées de la deuxième République. C’est encore à ceux-là que les élections du 8 février 1871 donnèrent la majorité : sur six cent cinquante députés, l’Assemblée nationale compta quatre cents légitimistes et orléanistes. On se trouvait ainsi ramené au même point qu’en 1851, avant que l’Assemblée conservatrice eût été dispersée par le coup d’État.

Pour d’autres raisons, l’Assemblée de 1871 n’allait pas mieux réussir à restaurer la monarchie. D’ailleurs, tout la paralysait. Les deux branches de la maison de Bourbon, séparées par le souvenir de 1830, n’étaient pas encore réconciliées. De plus, les royalistes, pour écarter de la monarchie le reproche qui avait poursuivi la Restauration, celui d’être revenue dans les fourgons de l’étranger, croyaient habile de laisser à un régime de transition la responsabilité d’une paix qui mutilerait le territoire. Ils voyaient aussi les signes avant-coureurs d’une insurrection et ils ne voulaient pas charger de la répression les débuts d’un règne. Au lieu de restaurer tout de suite la monarchie, comme en 1814, on l’ajourna. La question du régime fut réservée d’un commun accord par le « pacte de Bordeaux ». L’état de fait, qui était républicain, subsista. Et ce fut la République qui signa la paix. Elle vint à bout de la Commune et rétablit l’ordre. Elle assuma toutes les responsabilités et elle en eut le bénéfice. Ce fut elle qui remplit le programme sur lequel la majorité de droite avait été élue. Alors les craintes que la République inspirait — révolution, guerre sans fin — s’évanouirent. Et ces causes réunies firent que le régime républicain, d’abord provisoire, devint définitif.

Le prestige personnel, l’action de Thiers y furent pour beaucoup. Au cours de ses nombreuses métamorphoses, Thiers, sous l’Empire et par opposition à l’Empire, s’était converti à la politique extérieure traditionnelle. Il avait combattu le principe des nationalités, annoncé les catastrophes. Il avait vu approcher la guerre avec la Prusse, mais conseillé de l’éviter parce que la France n’était pas prête. Ces souvenirs lui donnaient une autorité sans rivale, surtout dans les classes moyennes, dont l’opinion, chez nous, est toujours décisive. Agité, aventureux, fanfaron jusqu’à l’âge mûr, Thiers, dans sa vieillesse, apparaissait comme l’incarnation du bon sens. Le