Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/715

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victorieux à toutes les élections, et qui avaient éliminé, après les anciennes droites, le vieux centre gauche lui-même, il se fit alors une nouvelle coupure. Le Bloc se rompit à la fois sur la politique intérieure et sur la politique extérieure. Le socialisme était devenu audacieux, son influence au Parlement était sans proportion avec sa force réelle dans le pays et il provoquait une agitation continuelle chez les ouvriers et chez les fonctionnaires. Au-dehors, par son adhésion à l’Internationale et par ses doctrines cosmopolites, il penchait pour l’entente avec l’Allemagne, entente impossible, puisque toute concession de notre part était suivie d’exigences nouvelles du gouvernement de Berlin. Sur ce terrain, le socialisme trouvait pourtant des concours parmi ceux qui, sans distinction d’origine, pensaient, comme Thiers le pensait au moment de l’alerte de 1875, qu’il fallait se réconcilier avec l’Allemagne et, au lieu d’organiser des alliances, lui donner des gages de nos sentiments pacifiques : Joseph Caillaux, qui incarnera cette idée à la tête du parti radical-socialiste, avait pour père un conservateur du Seize Mai. Dans le parti républicain, ce fut, avec Clemenceau, l’école jacobine qui se dressa contre cette tendance et qui, en 1908, entra d’abord en lutte avec Jaurès, le chef de l’extrême gauche. Ainsi, sous des apparences d’unité, lorsque l’immense majorité du Parlement proclamait qu’il n’y avait de véritables républicains que les républicains de gauche, il y avait scission. Lorsque les doctrines les plus démagogiques étaient officiellement professées, un nouveau parti modéré se reformait en secret. On vit même un ancien socialiste, Aristide Briand, devenu président du conseil, arrêter les grèves les plus dangereuses, comme celle des chemins de fer, tandis qu’après avoir achevé de réaliser la séparation de l’Église et de l’État, il parlait d’« apaisement », comme Spuller, en 1894, avait parlé d’« esprit nouveau ».

Cependant l’Allemagne, chaque jour plus résolue à la guerre, ne cessait de nous chercher querelle. L’objet en était toujours le Maroc où nous étendions notre protectorat. En 1908, nouvelle alerte à propos d’un incident survenu à Casablanca et que le ministère Clemenceau régla par un arbitrage. En 1911, récidive : un navire allemand prit position devant Agadir, sur la côte marocaine du Sud, et le gouvernement de Berlin, après