Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/738

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courir le risque d’un grand désordre ou bien, au nom du salut public, nier les droits de la majorité.

On peut remarquer que presque partout en Europe, dans les pays éprouvés par la guerre, les gouvernements ont perdu pied. Le vieux monde est dans un état qui ressemble beaucoup au chaos. Extrême est la confusion des idées. Pleins pouvoirs, dictature, ce sont des mots qui n’effraient plus ou des choses qui semblent naturelles, tandis que partout sont affichés les noms de République ou de démocratie. Sur les vastes destructions qu’une guerre immense et les révolutions qui l’ont suivie ont causées, personne ne peut dire ce qui s’élabore, ce qui est provisoire et ce qui est définitif. Seulement, quand on compare la France aux autres pays, quand on se représente les hauts et les bas de son histoire, on voit qu’elle n’est pas la plus mal partagée. Exposée aux tribulations, souvent menacée dans son être — elle l’a encore été, et terriblement, en 1914, — elle n’est pas sujette à ces affaissements ou à ces longues éclipses dont tant d’autres nations offrent le modèle. Sa structure sociale reste solide et bien équilibrée. Les classes moyennes, sa grande force, s’y reconstituent toujours en peu de temps. Après toutes ses convulsions, parfois plus violentes qu’ailleurs, elle ne tarde pas à renaître à l’ordre et à l’autorité dont elle a le goût naturel et l’instinct… Si l’on n’avait cette confiance, ce ne serait même pas la peine d’avoir des enfants.