Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/76

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

héréditaire les Hohenzollern ont imité les Capétiens, créateurs de l’unité française, et les tsars « rassembleurs de la terre russe ». Mais leur œuvre, dès l’origine, a quelque chose de forcé, d’artificiel, qui se retrouve amplifié, poussé aux proportions du monstrueux, dans l’Empire allemand d’aujourd’hui. « L’union entre le pays et la dynastie, dit encore Droysen, ne résulta ni de l’hérédité, ni de l’élection, ni de la conquête, ni d’un mouvement de défense et de salut à la suite d’une révolution cette union de la Prusse et de la dynastie fut accomplie en exécution d’une pensée politique. » En effet, la Prusse et la grandeur prussienne ont été engendrées par la pensée politique d’une dynastie. L’histoire de la Prusse s’identifie avec celle des Hohenzollern. Et c’est l’histoire d’une famille qui a persévéré dans le même effort, qui a administré ses États comme son propre patrimoine. Les Hohenzollern se sont comportés dans les moindres détails comme ces paysans qui font valoir leur bien, qui l’arrondissent, qui s’enrichissent et s’élèvent, à force de prévoyance et d’économie. Avant de penser à la mission allemande de la Prusse et d’aspirer à l’Empire, les Hohenzollern ont surveillé en bons pères de famille, en soigneux et modestes propriétaires, l’exploitation et le défrichement du pays. Avant de devenir électeurs, ducs, rois en Prusse, empereurs en Allemagne, ils ont gravi les premiers degrés de la fortune par la pratique de l’économie paysanne et de la thésaurisation.

Leurs débuts ne s’enfoncent pas dans la nuit des temps. Ils remontent à une époque relativement récente (quinzième siècle). Ils ont été dégagés de toute légende, et ce qu’on en voit montre que la croyance commune quant à l’origine des monarchies s’égare singulièrement. Ce n’est, en effet, ni par l’illustration de la naissance, ni par l’épée, ni même par l’esprit d’entreprise que les Hohenzollern ont réussi. Ils font mentir le vers célèbre « Le premier qui fut roi fut un soldat heureux. » Le fondateur de leur maison ne fut pas même un spéculateur heureux : ce fut un petit fonctionnaire de Nuremberg qui avait la passion d’amasser et qui plaçait bien son argent. Mirabeau dans son livre de la Monarchie prussienne, a été frappé de cette circonstance : « Frédéric de Hohenzollern, a-t-il écrit, avait le bon esprit qui s’est perpétué dans sa maison de tenir de l’argent en réserve. » C’est par ces moyens, si réalistes qu’ils en sont terre