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Page:Bainville - Histoire de deux peuples.djvu/116

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plusieurs centaines d’États souverains, il n’en resta qu’une quarantaine. Au lieu d’être morcelée à l’infini, l’Allemagne fut désormais distribuée en un certain nombre de grandes provinces. Mais ces provinces se gouvernaient elles-mêmes, n’avaient pas de chef commun. Le lien fédératif qui les unissait était aussi lâche, aussi ténu que celui du Saint-Empire. La Diète de Francfort, qui en était l’expression, fut le théâtre des querelles et des rivalités du particularisme, fit le désespoir et la honte des patriotes allemands unitaires. L’unité allemande, un moment apparue à leurs yeux, était de nouveau rendue impossible. La république germanique reconstituée à Vienne devait être, jusqu’en 1866, notre sauvegarde du côté du Rhin.

On a beaucoup dit et l’on répète encore que les traités de 1815 avaient foulé aux pieds les droits des peuples, qu’ils respiraient l’esprit réactionnaire de Metternich. Dans l’intérêt bien entendu de la France, on doit juger que Metternich avait du bon puisque le peuple le plus lésé au Congrès de Vienne était en définitive celui qui ne devait arriver à la plénitude de ses droits que pour attenter à l’existence des autres nations.

Si quelqu’un devait se plaindre des traités de 1815, c’était assurément la Prusse. Non seulement elle n’avait pas obtenu que la France fût partagée, comme elle l’avait demandé avec insistance, mais encore elle ne recevait pas le prix qu’elle avait elle-même fixé pour sa part de victoire. La Prusse n’obtenait pas la Saxe, si convoitée et qui lui eût donné, avec la consistance territoriale qu’elle désirait, la domination de l’Allemagne entière. Elle était mécontente de ces provinces rhénanes qui lui étaient attribuées, mais dispersaient encore ses domaines, étiraient le « royaume de lisières » et lui apportaient des populations catholiques, latinisées, aussi sympathiques à la civilisation française qu’hostiles au régime et à l’esprit prussien. Dans toute cette région du Rhin, la Révolution de 1848 devait encore se faire au cri de : À bas la Prusse !

Il existe un précieux témoignage sur l’état des esprits dans