Page:Bainville - Histoire de deux peuples.djvu/135

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gères, en février 1847, Thiers traçait, ni plus ni moins, les grandes lignes de la politique de Napoléon III. Les fautes que Thiers dénoncera lui-même plus tard au Corps législatif avec toute l’éloquence qu’on gagne à avoir raison, il les suggérait, par esprit d’opposition et de rancune, à l’opinion publique et au gouvernement du lendemain. Cet adversaire de l’Empire, autant que personne en France, aura rendu possible le coup d’État de Louis-Napoléon.

La monarchie de Juillet tomba au moment où la fermentation de l’Europe exigeait plus que jamais, de la part de la France, une politique de circonspection. Louis-Philippe, « parce que Bourbon », n’avait servi que les intérêts du pays. La démocratie n’avait pas su le comprendre. Et les partis s’étaient fait un jeu de l’aveugler, d’exploiter ses chimères, ses illusions, sa générosité. 1848 fut, si l’on veut, la victoire de la nation, mais sa victoire contre elle-même. La France, désormais, sera libre de servir la cause des peuples, de reprendre en Europe le programme de la politique révolutionnaire, libre de sacrifier, de gaspiller ses chances, de compromettre sa sécurité et son avenir. Quelqu’un viendra même qui exécutera le programme devant lequel la seconde République aura reculé. La dernière forme de la monarchie disparue, il n’y aura plus personne pour défendre avec efficacité l’intérêt national français.

Lamartine, dans la Chambre du gouvernement de Juillet, où il « siégeait au plafond », s’était écrié un jour : « Ressusciter l’Italie suffirait à la gloire d’un peuple. » Soudainement porté au pouvoir par la révolution de février, le poète, avec cette intelligence intuitive dont il a plusieurs fois donné des preuves mémorables, comprit que la République perdrait la France si elle accomplissait au dehors la politique des nationalités. Le jour où il pénétra au ministère des Affaires étrangères dont venait