organisation, poussées à un degré qui jamais n’avait été atteint, l’Allemagne a été vaincue. À quel prix ! Pour venir à bout de l’Empire fondé par Bismarck, il a fallu plus de quatre ans de guerre, le sacrifice de plusieurs millions d’hommes, une destruction de richesses qui pèsera longtemps encore sur l’humanité. De cette guerre sont sortis des bouleversements immenses. Elle a été révolution plus que toutes les révolutions. La France, envahie, dévastée, avait couru un des plus grands dangers de son histoire. Victorieuse mais blessée, elle payait cher, elle payait pour la seconde fois ses fautes du XIXe siècle. L’Europe, l’Amérique elle-même, expiaient leur indifférence au triomphe prussien de 1870. Alors le monde parut comprendre que le repos, la sécurité, la civilisation étaient incompatibles avec l’existence d’une grande Allemagne unie. Il semblait qu’une idée fût désormais souveraine, celle que l’Allemagne ne devait jamais retrouver la puissance politique puisqu’elle ne savait pas même s’en servir pour son propre bien.
On peut dire que, quelques heures après l’armistice, cette leçon était oubliée. Loin de détruire ou seulement d’ébranler l’unité allemande, les traités de 1919 la confirmèrent. La dynastie des Hohenzollern s’étant écroulée avec la défaite, il parut suffisant que l’Allemagne devînt une République. Car, de vieilles illusions renaissant en France avec le drapeau noir, rouge et or, celui de 1848, qui flottait de nouveau, on se plaisait dans la pensée que cette République suivrait le même cours que la nôtre et que cette démocratie serait pacifique. Ce sont les quinze années d’erreurs, achevées par un coup de théâtre et une immense surprise, qu’il nous reste à raconter.