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Page:Bainville - Histoire de deux peuples.djvu/52

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LES TRAITÉS DE WESTPHALIE

vint au grand jour, et les envoyés du roi à Francfort, Grammont et Hugues de Lionne, au vu et au su de tous achetèrent les électeurs qui, d’ailleurs, ne se firent pas faute de mettre leur voix à l’enchère ; nous dirions dans le langage d’aujourd’hui qu’ils se comportèrent en « chéquards » sans vergogne et insatiables. Mazarin se plaignait douloureusement de leurs exigences : « Encore qu’il soit avantageux, disait-il, de laisser croire au monde qu’il y a toujours grande abondance d’argent en France, parce que cette croyance est ce qui peut le plus porter les esprits à désirer l’amitié de Sa Majesté dans un siècle intéressé, néanmoins il y a d’assez bonnes raisons pour persuader un chacun, sans discréditer Sa Majesté, de régler et modérer ses prétentions dans la conjoncture présente. » Par ces moyens, le roi de France était plus puissant dans l’Empire que l’Empereur lui-même. Grammont et Lionne obtinrent ainsi de Léopold Ier une capitulation par laquelle il s’engageait, entre autres choses, à se désintéresser des Pays-Bas et de la Franche-Comté, à se séparer de l’Espagne, etc… L’élection permettait à la politique française de manœuvrer l’Empire dans le sens de nos intérêts.

Élus à Francfort, résidant à Vienne, les malheureux Empereurs avaient encore affaire à un Parlement qui siégeait à Ratisbonne et avec lequel ils partageaient les restes d’une autorité délabrée et précaire. L’institution de la Diète d’Empire, dont descend en droite ligne le Reichstag actuel, n’était pas nouvelle. La Diète remontait aux origines de la Germanie : un article du traité d’Osnabruck n’eut qu’à en étendre les attributions. Supposons qu’après la guerre de 1914 les alliés vainqueurs eussent stipulé, par exemple, que le Reichstag aurait le droit de renverser les ministères et que chacun des États représentés au Conseil fédéral voterait par tête au lieu que la majorité des voix appartienne à la Prusse : voilà comment, au XVIIe siècle, la France se mêla de donner à l’Allemagne une constitution libérale, destinée à entretenir l’anarchie.

Il est étonnant que l’on ait pu faire dater du XVIIe siècle le