Page:Bainville - Histoire de deux peuples.djvu/58

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
49
LES TRAITÉS DE WESTPHALIE

malfaiteurs publics qui violent ou se disposent à violer les règles du droit public européen : la France, armée de ce droit, pouvait remplir l’office de gendarme préventif, pour la sécurité générale. Et elle le pouvait sans peine et sans danger, car elle était la première intéressée au maintien d’un état de choses où elle était aussi la première en richesse et en puissance. Ainsi la politique française avait réussi, au milieu du XVIIe siècle, à rendre l’Europe à peu près habitable, à la soustraire au Faustrecht, au barbare droit du poing, à la conception apportée mille ans plus tôt par les invasions germaniques. Depuis la paix romaine, depuis l’échec de la République chrétienne, le monde civilisé pouvait pour la première fois respirer et vivre tranquille. Grâce au système européen fondé par le traité de Westphalie sur l’impuissance de l’Allemagne, l’ancien monde a connu cent cinquante ans de repos. Repos relatif sans doute, mais qui apparaît comme un âge d’or quand on le compare à la période qui a suivi et qui a été celle de la guerre des nations et des grands massacres de peuples. Tous les désirs, que la guerre de 1914-1918 a rendus plus ardents, de voir l’Europe protégée contre l’Allemagne équivalent à un regret du traité de Westphalie, que la monarchie française déclarait « inviolable » et dont Proudhon a pu dire, par un raccourci d’une admirable puissance, qu’il « existe à jamais » pour la société européenne, parce qu’il donne satisfaction à ses besoins essentiels, de même que les lois existent à jamais pour toutes les sociétés humaines qui ne sauraient vivre sans le respect des contrats et la protection des faibles contre le droit du plus fort.

Proudhon qui, à travers ses nuages, a eu souvent une si vive intelligence des réalités, a bien montré (dans sa brochure Si les traités de 1815 ont cessé d’exister) le caractère des traités de 1648, le meilleur arrangement qu’on ait jamais su trouver pour l’Europe, le plus sûr correctif aux abus de la force. Abstraction faite d’une certaine métaphysique dont son esprit n’a jamais pu se défaire, le jugement de Proudhon est d’un grand prix à l’heure