Page:Bainville - Histoire de deux peuples.djvu/88

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senté qu’il importait de « s’élever au-dessus d’un préjugé de trois siècles ». Les philosophes n’ont eu ni la vigueur ni la liberté intellectuelle nécessaires pour rejeter le poids de ce préjugé. Ils ont montré la servitude de leur pensée, leur goût de la routine. Ils ont été au niveau de la foule ignorante et sans critique. Et c’est cette foule qui devait expier plus tard ce péché contre l’esprit. Les Français du XVIIIe siècle, qui méprisaient l’œuvre de nos rois et de nos ministres, qui reconstruisaient le monde sur des « nuées », n’ont pas assez apprécié le bienfait de vivre en un temps tel que le leur. Ils n’ont pas connu le service obligatoire et universel. Ils n’ont pas su ce que c’était que l’invasion. À tous les égards, lettres, arts ou commerce, ils ont même profité, dans « l’Europe française », du prestige politique, de l’ascendant conquis par les travaux de la royauté. Et c’étaient eux qui se plaignaient ! Nous aimerions à les voir dans l’Europe de fer et de sang qu’ils nous ont léguée !…

La coalition de la France, de l’Autriche et de la Russie, celle dont la crainte devait donner plus tard des « cauchemars » à Bismarck, était si bien conçue qu’elle faillit causer la destruction complète de la puissance prussienne. Sans la mort de l’impératrice Elisabeth, qui changea le cours de la politique russe, Frédéric II succombait. Par la paix qu’il signa en 1763 à Hubertsbourg, il montra qu’il avait échoué à prendre la place qu’il convoitait dans l’Empire. Mais il conservait la Silésie comme nous conservions toutes nos positions continentales. La seconde guerre de Sept Ans, sous ce rapport, n’avait eu aucun résultat, ne procurait à la France aucun avantage matériel. C’est de nos jours seulement qu’on a pu se rendre compte qu’en arrêtant les progrès de Frédéric II en Allemagne, en interdisant aux Hohenzollern de mettre la main sur l’Empire, cette guerre n’avait pas été tout à fait stérile. Mais elle avait été profondé-