Page:Bainville - Histoire de deux peuples.djvu/98

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c’est ce qui apparaît nettement par le texte fameux où le Comité de Salut public déclarait : Depuis Henri IV jusqu’à 1756, les Bourbons n’ont pas commis une seule faute majeure. C’est en 1756, par le traité de Versailles et l’alliance avec la maison d’Autriche, que la « faute majeure » avait été commise. Cette « faute », la Révolution triomphante prenait à tâche de la réparer.

Il importe de se représenter que la France, en 1792, était officiellement l’alliée de l’Autriche comme elle était, en 1914, l’alliée de la Russie. Mais cette alliance était impopulaire. Elle était attaquée de toutes parts et réunissait contre elle les forces de sentiment. Bien entendu, des raisonnements politiques ne manquaient pas de venir justifier les répugnances sentimentales. Pour engager la guerre contre l’Autriche, les Girondins se servirent d’arguments présentés par des hommes du métier. Les écrits de Favier fixèrent la doctrine, et Favier, sous Louis XV, avait appartenu à la diplomatie, il avait même fait partie du personnel employé par « le secret du roi ». Une certaine connaissance des choses européennes, un habile emploi du langage diplomatique conféraient de l’autorité à Favier lorsqu’il parlait de l’« aberration de notre système politique de 1756 », lorsqu’il exposait que, quelles qu’eussent été les défections et les déloyautés de Frédéric, un « intérêt commun » assemblait la France et la Prusse contre les Habsbourg. Ce sont les arguments de Favier que Michelet reproduit purement et simplement dans son Histoire lorsqu’il écrit, après avoir raconté le renversement des alliances, « dès lors l’Autriche aura l’Allemagne ». Où était l’aberration véritable, c’est ce que l’événement a montré, puisque l’Allemagne, après n’avoir été si longtemps à personne, a fini par tomber, en suite des erreurs de la Révolution, sous la domination de la Prusse.

L’école historique contemporaine, élevée avec Sorel à une irréprochable impartialité, n’a rien laissé subsister de la légende